Pétition
CAPES de créole 2005 ?
 

19.6.2004

Monsieur le Ministre,

Je suis Jean Bernabé, professeur des Universités, spécialiste de créole, fondateur et responsable du GEREC-F (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Creolophone et Francophone), chargé, en 2001, par le ministère (aux destinées duquel vous présidez aujourd'hui) de la coordination des programmes de langues et cultures régionales au Collège et au Lycée. C'est au motif de ces fonctions et qualités que je m'autorise à vous faire part de la stupéfaction qui m'a saisi à l'annonce, encore officieuse, relative à une éventuelle périodicité du CAPES de créole non annuelle et soumise à des contingences par définition non programmables.

Je sais que divers concours font déjà l'objet de telles mesures, dites d'ajustement à la demande, une demande fluctuante parce que n'ayant pas fait l'objet de prévisions adéquates. J'admets volontiers que les données démographiques, notamment en contexte de stagnation économique, ne peuvent pas être ignorées par les gouvernants, lesquels ne sont pas des thaumaturges.

Ce qui, en revanche, me semble incompréhensible, voire inadmissible, c'est que votre ministère, auquel la morale républicaine fait obligation, indépendamment des options partisanes, de protéger, voire de promouvoir le patrimoine moral et spirituel accumulé par les gouvernants précédents, n'ait pas pris la véritable mesure de ce que représente pour nos pays créoles, parties prenantes, que je sache, de la République Française, un concours comme le CAPES de Créole. Ce concours, obtenu de haute lutte, a pour vocation d'être non seulement le vecteur d'un meilleur développement linguistique et culturel mais encore source d'une plus grande harmonie et d'une efficacité scolaire accrue. Qui plus est, il revêt une valeur emblématique de réparation des sévices et humiliations causées par l'entreprise criminelle qui non seulement a perpétré l'esclavage mais encore l'a spécialisé dans la traite négrière.

Aucun descendant d'esclaves n'a obtenu de réparations matérielles des dommages subis, sauf à assigner cette fonction aux transferts financiers issus de la Métropole, organisant depuis trop longtemps une mentalité d'assistés et qui, pour d'évidentes raisons éthiques, ne peuvent ni ne doivent, quels qu'en soit le montant, constituer un argument de réparation.

Contrairement au CAPES dont l'exiguïté du coût financier est sans commune mesure avec la capacité symbolique qui s'en trouve développée.

La remise en cause du CAPES de créole, fût-ce dans sa périodicité, ne peut être vécue que comme une manifestation rampante de négationnisme et l'expression d'un mépris dont la République ne peut se prévaloir à l'endroit de citoyens à part entière dont une vision réconciliatrice conforte la pertinence d'un tel CAPES dans sa tenue annuelle. Je me permets de vous informer que la demande aux les Antilles et en Guyane est importante et que pour la seule académie de la Guadeloupe, il y a eu, cette année, 132 candidats au baccalauréat ayant choisi l'épreuve de créole à l'oral.

"Réconciliatrice", ai-je dit et non point "conciliatrice". Car pour toutes les femmes et les hommes responsables de nos pays, le maintien du CAPES de créole dans sa régularité ne saurait être de l'ordre du négociable.

Aussi, sachant que le texte définitif n'est pas encore paru, ose-je espérer que, mieux informé des enjeux d'une telle décision, vous aurez à coeur de revoir votre position.

Dans cette attente, je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre l'expression de mon respect républicain.

Jean Bernabé
 


 
Pétition contre la supression du CAPES de créole.
 
 
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