20 juin 2004
Monsieur le Ministre, C'est avec une grande stupéfaction que j'apprends que vous envisagez de supprimer ou de remettre à plus tard le tout nouveau CAPES de Créole. Les peuples des Départements d'outremer ont suffisament subi le mépris et les atteintes aux droits de l'homme durant l'esclavage pour pouvoir aujourd'hui prétendre conserver leur culture. La principale richesse d'une culture, vous le savez Monsieur le Ministre, est sa langue. Le CAPES de
Créole clame dans les esprits la valorisation de cette langue, parlée par deux millions de citoyens français. Vous devriez vous rendre compte que quelques économies ridicules sur un budget de l'éducation ne peuvent en aucun cas compenser le mal que vous feriez à tout un peuple en gommant d'un coup la fierté qu'il a ressenti à la reconnaissance trop tardive de sa langue par l'attribution d'un diplôme: le CAPES de Créole. Le temps du témoin qui désignait à l'opprobre celui qui parlait créole à l'école et le rendait passible de punition est-il enfin révolu?
La richesse multiculturelle de la France et des ses régions doit être valorisée et non écrasée. Relisez, Monsieur le Ministre, Simone Schwarz-Bart, Patrick Chamoiseau, Raphael Confiant, des écrivains qui font honneur à notre littérature et qui sont enseignés dans les universités à travers le monde. J'ai personnellement enseigné leurs oeuvres dans deux universités américaines et elles sont lues et étudiées dans de très nombreuses universités. Ces écrivains sont bilingues, Monsieur le Ministre, et c'est pour beaucoup, ce qui ajoute à leur valeur, à la richesse de leur écriture. Vous ne pouvez nier le travail de Raphael Confiant et de Jean Bernabé, qui depuis des années transcrivent le Créole et lui donnent une grammaire et des dictionnaires. Une telle richesse doit être préservée à tout prix.
Même s'il ne restait qu'un seul candidat au CAPES de Créole, il faudrait lui donner l'opportunité de s'y présenter, en vertu de la dette historique que la France a contracté envers le peuple des Antilles et de la dette culturelle que la France a envers la langue Créole. De plus, on ne nie pas
à des citoyens français la moité de leur identité inpunément. Les conséquences peuvent s'avérer désastreuses pour le futur.
Je souhaite de tout coeur, Monsieur le Ministre, que vous comprendrez la nécessité supérieure de conserver chaque année les épreuves du CAPES de Créole. Je compte sur votre intelligence et votre bonne appréciation de la situation.
Recevez, Monsieur le Ministre, mes salutations respectueuses,
Dr Isabelle Constant
Professeur de Littérature française
University of Queensland
Brisbane QLD Australia
|