Kapes Kréyol

Site d'information du CAPES de créole (Sous-domaine du site Potomitan)
(Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré)

Entretien avec

Jean Marc Rosier

Admis au CAPES de créole 2009

Jean Marc Rosier

Monsieur Rosier, vous avez du présenter, comme tous les candidats au CAPES de créole, une deuxième matière, laquelle avez-vous choisi?

Jean-Marc Rosier: Le Français, pour la raison que je viens des Lettres modernes.

La bivalence de ce concours peut-elle, selon vous, décourager ceux qui souhaitent enseigner le créole?

Loin de l’idéologie et de l’autorité politique, il y a la réalité linguistique du terrain... Ce que je veux dire, c’est que la bivalence du Capes de créole, circonscrite aux Nouvelles orientations pour le développement de l'enseignement des langues régionales, rêvées et mises en place par Jack Lang en 2001, crédibilise en légitimant le bilinguisme de nos régions. On sait avec quel acharnement la langue française a, au cours de son histoire,  pourchassé les langues régionales jusqu’à les réduire presque toutes au silence. La reconnaissance des langues régionales de France par la France témoigne ainsi de son désir d’assumer enfin sa diversité et donc de sauvegarder ses richesses culturelles. On est loin de ce combat qui a fait toute son histoire; une page a été définitivement tournée. Par ailleurs, je trouve très heureux que l’enseignement du créole et de la culture régionale se fasse en comparaison avec le Français, dans le but de leur maîtrise mutuelle. Combien d’interférences du créole en français et du français en créole relève-t-on dans les relations de communication entre les individus comme dans les copies en milieu scolaire? Nous, Martiniquais, Guadeloupéens et autres créoles, ces deux langues maternelles, le créole et le Français qui sont nôtres, nous nous devons de les pratiquer indifféremment, tant à l’oral qu’à l’écrit, et ce dans leurs sphères usuelles respectives.

Est-elle une exigence indispensable pour permettre de compléter l’horaire des enseignants de créole?

Je ne le crois pas; l’enseignement de la langue et la culture créole peut largement déborder le cadre horaire des enseignants. L’exigence de la bivalence se comprend par le truchement des raisons que j’ai évoqué plus avant; la langue de la société civile est le français, nous parlons le créole  au quotidien, nous l’écrivons; pour moi, il n’y a pas là de contradictions.

Y- a-t-il eu jusqu’à maintenant suffisamment d’enseignants qui ont été admis au CAPES de créole par rapport aux besoins de  l’académie de la Martinique?

Je ne connais pas les besoins de l’Académie mais, il est à remarquer que CAPES qui existe depuis 2002 ne compte à ce jour que 39 admis; 9 de la Martinique, 8 de la Guadeloupe et 26 de la Réunion.

Les jeunes martiniquais communiquent entre eux en créole? S’agit-il d’un créole contaminé par des apports du français ou plutôt de l’anglais ou d’une langue authentique?

La contamination par le français et l’anglais, pour ainsi dire – à mon avis, les mots apports ou emprunts seraient  plus justes – est évidente. On relève un nombre toujours plus grand de calques du Français tant syntaxiques (la chou) que lexicaux (solda-mwen, mafia-mwen, le tjò) à côté de mots argotiques dérivés de l’anglais (watcha) ou du créole jamaïcain véhiculé par le dance hall (ti bay, tjitjiman, batibway, skètel, gonnchot, gangsta, woudbway, sonnbway, dig, digin, etc.). On observe également quelques créations originales (makaté, fleks kow, ayka, etc.). Le créole comme bien des langues admet plusieurs niveaux; il revient toujours au locuteur ou à l’écrivain de choisir la ou les variétés stylistiques qui conviennent le mieux à son discours.

La population martiniquaise s’intéresse à l’écriture et à la lecture de textes en créole?

Le récent succès des traductions en créole de monuments de la Bande dessinée française comme Astérix, Tintin et Titeuf montre que des Martiniquais, des Guadeloupéens, des Guyanais et des Réunionnais s’intéressent assez à leur créole pour y consacrer une partie de leur budget livres.

Y-a-t-il encore des résistances à la graphie phonétique?

Malheureusement oui. Ces résistances se remarquent principalement dans la publicité, les albums de musique et les clips. Pourtant cette graphie phonétique a fait ses preuves. Plutôt que de songer à «instituer» une académie créole – dont les contours et la fonction me paraissent floues –, on peut toujours rêver au symbole fort d’une mesure politique qui érigerait un observatoire de la langue créole.

Merci de vous être prêté à cet interview.

Viré monté