Guides du Capes de créole

"WORK IN PROGRESS"

DICTIONNAIRE
DES CROYANCES ET PRATIQUES
MAGICO-RELIGIEUSES
DU
MONDE CREOLE

par Raphaël Confiant
 

Le GEREC-F travaille à l'élaboration de plusieurs GUIDES DU CAPES DE CREOLE correspondant au nouveau programme du concours publié au B.O. de juin dernier. Ils seront publiés à compter de la fin du mois d'octobre 2004. Nous vous présentons provisoirement deux d'entre eux qui sont en cours d'élaboration :

L'auteur souhaiterait recevoir avis, remarques, critiques et propositions d'améliorations à propos de ces deux manuscrits, étant bien entendu que les textes présentés ici ne correspondront pas tout à fait aux ouvrages publiés puisqu'ils sont en cours de rédaction.

Ecrivez-nous .

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29.8.2004

Mwen an lékòl a kapès-la asi Nich-Twèl-la. An ka suiv kon an pé. Toupannan an ka sonjé montray a Misyé Konfyan “Pawòl maké é pawòl palé” obidjoul toubólman. I mapipiyé sikti a dékatman fondalnatal a maké-kréyòl an mwen. Sé konyéla an ka konmansé suiv. Mèsi ankò! Sa toujou ka ontijan chouboulé lèspwi an mwen dè vwè ki magré tout, an ka konpwann bon-kréyòl pimyé ki fwansé.

Onfwalamenm, mwen adan diko-majiko, pli èkzaktèman an bwa-kayiman. Dapwé sa an konpwann adan on plodari a grangrèk ayisyen a vodou linivèsité Havad é an paka konpwann toutbiten, apaté bwa-kayiman yo té vlé di an istwa-la, men an bwa kay-Imam (dans les bois chez l´Imam) on èsklav mizilman ki té chèf anbafèy a ranboulzay-la épi Boukman.
Bon! An paté an bwa-la kon di pawól-la, adonk an ka yenki maké sa an tann, padavwa menm sa an ka tann kréyatif, piskè sésay ka mofwazé konprinézon-la.

Ès on moun ja tann fré-lasa siouplé?

Maksèt Olsòn, Èstokòlm 29 mwa daou.

An poko té jen tann entèprétasion-lasa. Sa vré ki anpami sé esklav-la yo chayé-alé o Zantiy la, té ni yonn-dé ki té mizilman k ki té konnet ékri titak arab. Sa vré osi kè non a "Boukman', ou pé dékonpozé'y an "book" é "man" an anglé, kivédi an kréyol "nonm-liv".

Kidonk nou pé sipozé ki misié té on labé mizilman (on "imam") é sé pétet pou sa i rivé sanblé Neg alantou a'y pou goumé kon sé Fwansé-la. Men, gadé bien, nou pé pa di, an menm tan-la, kè :

  • "Boukman" sé : "bouk" + "man" (kivédi nonm-liv la).
  • "Boukman" sé : "bwa kay Imam" (kivédi aka Imam-la).

Dapré mwen, prèmié entèprétasion-la pi vrésanblab menmsi Boukman té on mizilman.

Pouki ? Paskè "Imam" sé on tit ki pa giè frékan aka sé Mizilman Now-Afriken la (Aljérien, Mawoken, Tinizien kisasayésa...). "Imam" sé pito on tit yo ka sèvi aka sé Arab é sé Mizilman Pwoch-Orian la (Irak, Arabi Séoudit, Iran kisasayésa...).

E lè ou gadé, sé Mizilman l'Afrik-di-Nò ki pòté islam ba Neg-afriken, sé pa Mizilman Pwoch-Orian.

Déziem entèprétasion-la ka fè mwen sonjé sa yonn-dé Arab ka prétann : ki Shakespeare pa té on Anglé mé on Arab, é kè vré non a'y té...Sheick Al-Zebir. Sé lidé-lasa pa giè sérié, dapré mwen.

Raphaël Confiant


 

Introduction

Le monde créole, né d'un enchaînement de violences inouïes - extermination des «Amérindiens», esclavage des Noirs, déportation des Indiens de l'Inde - aurait dû être un monde sans Dieu (ou sans Dieux). Terres du mal absolu, les iles à sucre, d'Amérique et de l'Océan Indien, attiraient force aventuriers, chercheurs d'or, repris de justice et autres individus sans foi ni loi venus d'Europe. Sur la plantation de canne à sucre où ils finirent par s'installer, les dix commandements de Moïse n'avaient pas cours. Le christianisme leur fut, tout au plus, un instrument supplémentaire de domination sur les Caraïbes, les Noirs, les Indiens et les Chinois.

Quant à ces derniers, ils avaient toutes les raisons de désespérer de leurs propres dieux: les esprits Maboya se mirent à rouer de coups les Caraïbes depuis qu'ils étaient en contact avec les Européens; les esprits africains furent impuissants à empêcher le transport à fond de cale des bateaux négriers, la vente aux enchères sur les places publiques du Nouveau Monde, l'esclavage sur les plantations, le fouet et le crachat; les dieux de l'Inde auquels on avait, il est vrai, désobéi, ne répondaient que par de faibles échos aux appels de pratiquants dont la mémoire de la liturgie et des rituels se faisait de plus en plus fragile.

Pourtant, jamais les Dieux ne furent plus présents que dans le monde créole durant les trois siècles et demi (début du XVIIè-milieu du XXè siècles) que dura le système plantationnaire. Mais, caractéristique fondamentale qui le différencie de tous ses arrière-mondes (Europe-Afrique-Asie), la religion y est comme détachée du mysticisme et est immédiatement branchée sur le politique. Ici, on ne prie pas seulement ou principalement pour honorer Jésus, vénérer Legba ou implorer Maldévilin mais pour pouvoir agir sans tarder sur le présent.

Les prêtres catholiques prêchaient la soumission aux esclaves pour le plus grand bien de la production sucrière; les nègres-marrons et les chefs révolutionnaires noirs demandaient allégeance totale aux divinités du vaudou afin d'affronter les troupes de leurs oppresseurs blancs; les «engagés» indiens faisaient des sacrifices à Nagourmila ou à Mariémin pour ne pas mourir en terre antillaise et donc ne pas être inhumés hors de la terre sacrée de l'Inde. L'efficacité de la religion n'était pas, comme dans l'Ancien Monde, jugée sur le long terme, voire jusque dans l'au-delà où le temps humain n'a plus de signification, mais quasiment sur pièces, là-même, sur le champ. Ainsi les Jésuites furent-ils expulsés des îles quand on s'aperçut qu'ils distillaient des idées dangereuses aux esclaves; l'âme des Noirs révoltés morts au combat revenait immédiatement en «Afrique-Guinée» grâce aux dieux vaudoux.

Pourtant, si toutes les religions présente sur le sol créole présentent la caractéristique d'être des cultes politico-religieux et non des religions au sens habituel du terme, il n'est pas possible de les mettre sur le même plan. Celle qui seule s'est arrogée le titre de religion, le Christianisme, reléguant les autres dans la catégorie des «diableries», a défini le cadre dans lequel s'exerce la religiosité créole, même dans des pays comme la Guadeloupe, la Réunion ou Maurice où l'hindouisme est très puissant. Mais à l'intérieur du cadre chrétien, les dieux amérindiens, africains et indous se sont glissés, modelant de manière indélébile le comportement des fidèles et leur manière d'adorer la divinité. Le christianisme s'est créolisé pendant qu'il diabolisait le Vaudou haïtien (campagnes anti-surperstitieuses) et le quimbois des Petites Antilles ou tentait d'éradiquer par la force l'Hindouisme (faisant détruire au début du siècle maintes chapelles, statues et livres sacrés).

Désormais, en l'homme créole cohabitent tous les dieux de l'Univers: le Dieu des Blancs, le Dieus des Noirs et les Dieux de l'Inde, sans oublier certaines croyances héritées de la mythologie amérindienne. C'est la toute première fois dans l'humanité que se produit un tel phénomène. Avant la conquête de l'Amérique par les Européens en 1492, les religions coexistaient ou cohabitaient de manière tantôt pacifique tantôt conflictuelle: islam-judaïsme-christianisme dans l'Espagne musulmane ou hindouisme-boudhisme-islam en Inde par exemple. Mais jamais, un même individu n'adhérait à plusieurs religions à la fois. Impossible d'être à la fois chrétien et musulman malgré le fait que l'Islam soit en quelque sorte la continuation du Christianisme et qu'on retrouve dans le Coran la plupart des personnages de la Bible: Abraham/Ibrahim, Joseph/Youssef, Marie/Maryam, Jésus/Issa etc. Impossible d'être à la fois Hindouiste et Boudhiste.

C'est la religiosité créole qui, la première, invente l'adhésion à plusieurs cultes religieux entièrement différents entre eux.

BIBLIOGRAPHIE

Anonyme de Carpentras, 1990, éd. Jean-Pierre Moreau, Un flibustier français dans la mer des Antilles, Bibliothèque Payot.

Bouton ( Jacques, R. P.), 1640, Relation de l'établissement des Français depuis 1635 en l'Isle de la Martinique, Sébastien Cramoisy, Paris.

Hurbon, Laënnec, 1972, Dieu dans le Vaudou haïtien, Payot, Paris, 268 p.

L'Etang, Gerry, 1989, Du tamoul à la Martinique: portée symbolique d'une langue cérémonielle, in revue «Carbet» N°9, pp. 81-100.

L'Etang, Gerry et Permal, Victor, 1994, Zwazo, récit de vie d'un prêtre hindou, commandeur d'habitation à la Martinique, in «Présences de l'Inde dans le monde», Etudes présentées par Gerry L'Etang, GEREC/PUC-L'Harmattan, pp. 167-179.

L'Etang (Thierry), 1992, La colère de Maboya ou le cannibale rossé, in revue «TYANABA» n°2, Société d'Anthropologie, Martinique, pp. 17-21.

Rochefort (César De), 1665, Histoire naturelle et morale des Iles Antilles de l'Amérique, Arnout Leers, Rotterdam.

Wirkus (Lieutenant), Wirkus, Le roi blanc de la Gonave--Le culte vaudou en Haïti, 1915-1929, Payot, Paris, 318 p.

Nagapin, Jocelyn, 1994, Les rites antillo-Hindous , in «Présences de l'Inde dans le monde», Etudes présentées par Gerry L'Etang, GEREC/PUC -L'Harmattan, pp. 243-251.

 
 
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