Concours
 

CREOLE - Rapport 2003
Concours externe et CAFEP correspondant

par Monsieur Didier de Robillard
Professeur des universités
Président du jury

2

Version pdf (139 KB)

boule boule boule

Sommaire

Modalités de constitution du rapport
Le concours 2003 en quelques chiffres significatifs

Considérations générales

Créole:
Grammaire / linguistique
Epreuve sur dossier

Options:
Anglais
Espagnol
Français
Histoire / Géographie
  

boule boule boule boule boule

 

Epreuves d’admissibilité

Créole

Dissertation

Préambule

Le sujet de dissertation portait, en 2003, sur un thème de civilisation.

« En vous fondant essentiellement sur des faits observés dans votre domaine géographique, socio-historique et linguistique (la Guyane ou la Martinique ou la Guadeloupe ou la Réunion) sans négliger, autant que possible, la comparaison, pouvez-vous montrer ce qui permet de qualifier diverses formes d'habitat et d'habitation de ces domaines "créoles". »

 

Dissertation de civilisation : 62 copies
Notes de 0 à 5 : 35
56,55 %
Notes de 6 à 8 : 11
17,7 %
Notes de 9 à 11 : 8
12,9 %
Notes de 12 à 13 : 5
5,8 %
14 et plus : 3
4,8 %
Note moyenne des copies : 6,11
Notes inférieures à 10 : 47
75,80%

L’importance, en pourcentage, des notes très basses (plus de la moitié des copies sont égales ou inférieures à 5/20, trois copies sur quatre n’atteignent pas 10/20) incite le jury à exprimer ses attentes pour bien cadrer la préparation future des candidats au concours.

La première observation est qu’une bonne partie des candidats semble entretenir une idée assez vague et éloignée de la réalité de ce qu’implique le fait de se présenter au CAPES, Certificat d’Aptitude Professionnelle à l’Enseignement Secondaire, en particulier au niveau des connaissances, de la quantité et de la qualité de travail exigée en vue de sa préparation.

Un trop grand nombre de candidats a donné l’impression d’être «venus pour voir», sans préparation, sans acquis de lecture, sans réflexion préalable, sans idée autre que celle de vouloir tenter la chance, et pensant pouvoir le faire à moindre frais. Par respect d’abord pour les élèves, et les attentes qu’ils sont légitimement endroit d’entretenir face au système éducatif dans lequel ils sont accueillis, mais aussi par respect envers ce que représentent les langues et cultures régionales pour les populations concernées et pour l’ensemble de la France qui reconnaît et valorise ainsi sa pluralité, par respect enfin pour le travail et la compétence des certifiés déjà en poste, le jury ne peut laisser croire que la réussite à un concours tel que le CAPES de créole dépend d’un simple et heureux coup du sort. Les candidats doivent se préparer sérieusement et se hisser au niveau des exigences que l’on doit avoir compte tenu de leurs fonctions futures.

Cette mise en garde doit être d’autant plus entendue qu’une ambiguïté manifeste semble s’être installée dès le départ sur la définition de ce qu’il convient d’entendre par langue et culture créoles. Certaines prestations n’ont que trop confirmé ce qui était déjà perceptible l’an dernier, à savoir l’enfermement des candidats dans une vision de leur culture détachée de tout arrière-plan historique, coupée de tout lien avec une culture savante implicitement perçue comme étrangère aux mondes créoles (alors même qu’elle en fait partie …), pour ne pas dire réduite à des isolats d’autant plus sublimés qu’ils semblent, dans certains cas extrêmes, perçus comme l’émanation exclusive de ce qu’on appelle parfois la «culture du pauvre et de l’opprimé ».

Il convient en outre que les candidats ne perdent jamais de vue que les CAPES de langues et cultures régionales ne se résument pas à la seule pratique de la langue: si celle-ci est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Le fait de se sonsidérer (souvent légitimement) comme créolophone ne dispense pas d’avoir à se constituer un bagage intellectuel, dans des domaines multiples, et suivant des canaux légitimés par la tradition académique. Si le recours à l’expérience quotidienne et directe des langues et cultures concernées ne peut être qu’apprécié par le jury, celui-ci met fermement en garde contre leur utilisation sans aucune mise en perspective. Un commentaire d’une représentation iconographique d’habitation-sucrerie, l’exemple est ici emprunté aux épreuves orales, aura ainsi tout intérêt à reposer sur des études historiques rigoureuses et non sur des représentations plus ou moins approximatives, dont la provenance est incertaine. L’étude de la mémoire collective et du sort qu’elle fait à certains éléments historiques est sans aucun doute instructive, mais elle doit alors être étudiée en tant que telle, et ces représentations ne doivent pas être substitués aux connaissances historiques ou anthropologiques disponibles.

A propos du sujet

Que demandait le sujet? Ainsi que cela était très clairement énoncé, de définir ce que l’on entendait par habitat et modes d’habiter créoles, ce qui impliquait d’analyser les éléments sur lesquels cette définition pouvait se fonder, en englobant spécificités proprement régionales et mécanismes génériques des terres concernées. Encore convenait-il, d’abord, de signifier ce qu’il convenait justement d’entendre par «créoles» (terme qui était, indice supplémentaire offert aux candidats, mis justement entre guillemets!), ce que l’écrasante majorité des copies a évité de faire.

Une introduction partant de notions générales, la forte charge symbolique de l’habitat dans sa relation à l’environnement et aux formes architecturales, dans sa relation aussi à la société dont il est une des représentations les plus abouties, était la bienvenue. L’indispensable enchaînement du général au particulier s’opérait alors sans difficulté, avec dans la foulée l’indispensable explication de l’adjectif «créole» (explication courte, dense, synthétique puisqu’elle se situait dans l’introduction, ce qui n’empêchait nullement, bien au contraire même, de reprendre certains des éléments de cette définition, un par un, dans tel ou tel paragraphe de la démonstration).
Le jury ne souhaitant pas enfermer le raisonnement des candidats dans un plan type, qui n’a pas lieu d’être, ne proposera pas de corrigé modèle. Pour autant, quelques grands axes de réflexion particulièrement saillants devaient se retrouver dans l’argumentation.

Les terres créoles sont filles d’un contexte bien particulier, celui du monde colonial des XVIIème et XVIIIème siècles, conçu d’abord pour les besoins de la métropole (d’où la référence constante aux normes européennes), d’économies spéculatives et, à des stades de maturité différents selon les lieux et les époques, sur le schéma esclavagiste de la société d’habitation, celui enfin d’une hiérarchisation sociale fondée sur la couleur de peau et la suprématie du pouvoir blanc. Illustration parfaite de ces spécificités (l’opposition maison de maître /case servile, par exemple; la distinction qui devait être opérée entre architecture «coloniale » et architecture «créole»), l’habitat créole procède d’un rapport avec l’environnement dont il importait de mettre en place les grandes phases (la première économie coloniale, de défrichement, puis la phase d’organisation l’habitationplantation triomphante). Le candidat était également susceptible de montrer en quoi le paysage actuel pouvait encore porter la trace de ce passé (par exemple, la forte présence des habitations-sucreries dans le paysage rural martiniquais des années 1950 encore, comme le montrent les cartes IGN, le poids des usines centrales telles Beauport ou Grosse-Montagne dans la typologie de l’habitat guadeloupéen jusque dans les années 1970; l’originalité encore bien réelle des Hauts de La Réunion …).

Quant aux formes mêmes prises par cet habitat, il était nécessaire de montrer que cette architecture ne naît pas créole, mais qu’elle le devient. Le processus est issu à la fois d’un phénomène d’adaptation aux conditions locales, qui se traduit par d’authentiques créations, et d’un mouvement continu d’échanges entre des «stocks» culturels en présence marqués par des rapports de déséquilibre permanent (position dominante des colons / population dominée de couleur, esclaves et affranchis, avec aux Antilles le poids supplémentaire de l’héritage amérindien) entre des corps sociaux qui ne cessent eux aussi d’évoluer, et surtout ne cessent de s’influencer réciproquement. Cette évolution ne s’opère pas suivant un rythme unique, mais témoigne bien au contraire des avancées capricieuses de la créolisation. Ainsi la gravure de Le Clerc sur la sucrerie antillaise (1667) montre bien, autant pour la maison de maître que pour les cases serviles, qu’à cette date cette créolisation ne s’est pas encore opérée: la maison est franchement européenne, les cases franchement africaines. C’est par le choix de matériaux (une architecture en végétal, alors même que la métropole coloniale a choisi de privilégier la pierre dès le XVIIème siècle), par les techniques de construction, par le reflet d’un certain ordre social (dans l’habitation, le quartier servile reflète exactement l’état de dépendance des esclaves face au maître) que l’appartenance aux mondes créoles va s’affirmer. Mais un autre processus était tout aussi éclairant, celui qui fait des réalisations néo-classiques du début du XIXème (maisons de maître des Antilles comme Château Murat, villas de La Réunion) des imitations de modèles extérieurs, mais en même temps des réinterprétations originales de ces mêmes modèles.

Au bout du compte, on aboutit aujourd’hui à la juxtaposition de réalisations toutes créoles, mais pourtant bien différentes entre elles, non seulement de zone à zone, mais à l’intérieur d’une aire particulière. Le développement attendu sur les caractères originaux de la case rurale guadeloupéenne par rapport à son équivalent martiniquais, ou l’inverse, trouvait ici sa place évidente – encore fallait se poser la question de savoir si la vision figée que nous proposent les ouvrages d’architecture de l’opposition quasi génétique entre les deux modèles ne tient pas un peu du stéréotype (ce que laissent à voir les cartes postales du début du XXème siècle, les photographies de la fin du XIXème, qui incitent à une vision moins manichéenne, et montrent que replacées dans la durée les différences de matériaux et de morphologie sont à réinterpréter plus en fonction de niveaux sociaux que d’une opposition strictement régionale). Il convenait tout autant, dans les dissertations, de savoir mettre en évidence les différentes variétés locales de la case guadeloupéenne, des paillotes et des cases réunionnaises (Mafate, Saint-Philippe, Saint-Leu), l’écart qui sépare l’habitat archaï que de certaines régions longtemps isolées (Anse-Bertrand en Guadeloupe, Morne-des-Esses, Anses-d’Arlet en Martinique, Mafate à la Réunion) des variantes urbaines (la maison de « haut et bas » aux Antilles, les cases du centre-ville de Saint-Denis ou de Saint- Pierre à La Réunion) ou mêmes campagnardes (la case à café de la côte sous le vent en Guadeloupe) ), des «grandes cases» de plantations de canne à sucre (La Réunion), ou encore des «cases de changement d’air» (Hell-Bourg, Cilaos ou la Plaine des Palmistes à La Réunion). Combien peu de candidats, pour ne pas dire aucun, ont pensé à remarquer que le vocabulaire marque souvent avec vigueur ces différences: «kaz », «kaz a mèt» », « maison de haut et de bas» aux Antilles; «bann ti kaz an pay» paillotes, «bann kaz», maisons, «bann gran kaz», ou «villas », à La Réunion!

Enfin, il n’y avait pas que le rapport à la géographie et à l’histoire qui pouvait marquer le caractère créole de l’habitat. Usages et pratiques dans la façon d’appréhender l’espace domestique donnent toute sa valeur à une approche anthropologique qui permettait de traiter le sujet dans un registre plus affectif, et d’opérer le lien entre savoir universitaire et pratiques de la vie quotidienne. Certains romans, La Rue Case-Nègres du Martiniquais Zobel, Coeurs créoles du Guadeloupéen Gilbert de Chambertrand pour la zone antillaise, sans que ces exemples n’aient rien de limitatif, pouvaient faire le pendant à de grandes études qu’il convenait de citer et d’utiliser (le père Delawarde pour la Martinique, Guy Lasserre pour la Guadeloupe, Jack Berthelot pour l’aire antillaise; Yves Augeard pour La Réunion).

La question qui pouvait se poser en conclusion, et certains candidats y ont pensé, était celle liée à la rencontre de ces façons de vivre, de cette architecture avec le monde moderne, avec en filigrane, une autre interrogation, qu’aucun, cette fois-ci, n’a pensé à formuler ou souhaité exprimer: si l’habitat et les modes d’habitation changent, l’expression de la créolité peut-elle en être affectée? Certaines copies, par leur repli craintif, voire agressif, sur la patrimonialisation des cultures créoles, ont montré qu’il ne s’agissait pas d’une réflexion tout à fait anodine, raison supplémentaire pour éviter les grandes phrases creuses … qui ont trop souvent été la seule réponse aux problèmes de diverse nature rencontrés dans le traitement du sujet.

Quelques commentaires sur les copies

Les candidats, manifestement, ont été confrontés aux mêmes difficultés qu’à la session précédente, avec le facteur aggravant que constituait le passage de l’épreuve de civilisation de l’oral à l’écrit.

Les erreurs les plus courantes ont d’abord porté sur le choix des matériaux nécessaires à la construction du devoir, et ce ne sont pas les moins préoccupantes.

Sur le fond

Certains candidats n’ont manifestement pas compris qu’il ne s’agissait pas d’étaler leurs connaissances à tout propos (et mal à propos), sans se préoccuper de savoir ou non si cela correspondait au sujet à traiter. Ainsi des copies ont cru bon de reprendre des pans entiers d’ouvrages, détachés de toute contextualisation et de tout argumentaire; Kaz antiyé par exemple, a été abondamment sollicité dans la zone antillo-guyanaise (pour ne pas dire récité), mais sans aucune mise en perspective. Il s’agit là d’une erreur majeure, toujours sanctionnée.

A l’opposé, trop de devoirs ont fait état de connaissances indigentes, pour ne pas dire d’une inculture totale, d’autant plus désolante qu’elle révélait une ignorance des réalités locales au niveau le plus élémentaire. Les correcteurs n’ont pu s’empêcher de s’interroger sur le contenu de certaines dissertations conçues et rédigées en dehors de la problématique historique et linguistique des sociétés créoles: bann zesklav ek bann met té i antand bien. «Les esclaves et les maîtres s’entendaient bien» (Réu.); Bann zesklav té oblizé adopt in ot langaz: le kréol. «Les esclaves étaient obligés d’adopter un autre langage: le créole» (Réu.); inversement, certains niveaux argumentaires n’ont pas dépassé le stade du stéréotype, témoignant ainsi cruellement de l’absence de tout travail véritablement rigoureux.

L’absence d’argumentation solide et bien documentée a été cruellement ressentie. D’une manière générale, les candidats n’ont pas jugé utile d’en référer aux ouvrages historiques et anthropologiques faisant autorité sur la question de l’habitation et de l’habitat à la Réunion, dans l’Océan Indien et les Caraïbes, y compris à des manuels scolaires d’histoire et géographie (par exemple pour la zone Antilles-Guyane aux deux manuels publiés chez Hatier). Cette prudence élémentaire les aurait conduits à appréhender de manière plus sérieuse les réalités contenues dans les termes créoles bitassion, tabissman, lïzine, plantaz (Réu.), kaz bitasyion, lisin (Ant..), et, plus largement, à montrer qu’ils possédaient la culture qu’ils espéraient enseigner …

Les candidats ont intérêt à se persuader qu’une épreuve de civilisation implique presque toujours une composante historique. Or dans trop de copies les références à l’histoire ont été quasi inexistantes, ou alors traitées avec des approximations qui en disent long sur l’ignorance de celui ou de celle qui compose. Ignorance générale d’abord, inacceptable pour quelqu’un qui représentera le savoir en face de ses élèves: les colons débarquent aux Antilles françaises au XVIème siècle, Victor Hugues, l’envoyé de la Convention en Guadeloupe (1794), fonde la Société Anonyme des usines de Beauport (création du XXème siècle …), les Blancs créoles des Antilles sont partis se réfugier en Amérique pendant la Seconde Guerre mondiale (évidente confusion avec l’émigration liée aux événements révolutionnaires consécutifs à la Révolution française de 1789), assertions d’autant plus gênantes qu’elles sont non seulement complètement fausses mais, pour certaines, hors sujet.

Ignorance des rapports avec l’histoire de la question au programme ensuite – ce qui vaut par exemple cette affirmation pour le moins surprenante que les maîtres laissaient les esclaves construire à leur guise les cases du quartier servile. Une autre erreur, récurrente dans les copies rédigées en créole guadeloupéen, a consisté à confondre case en tôle et case «traditionnelle», au mépris des photographies de la fin du XIXème siècle qui montrent bien que c’est la case en bois et en paille (une biguine bien connue aurait pu aider les hésitants: «lari Zabim té ni on vié madanm, vié madanm la té ni on kaz an pay»). Un minimum de connaissances sur la révolution industrielle aurait par ailleurs évité à certaines dissertations des anachronismes patents (la case en tôle représentative des campagnes antillaises du XVIIème siècle; la «maison Zévallos», au Moule, exemple d’architecture industrielle qui date de la fin du XIXème siècle, n’a pu évidemment servir de modèle aux maisons de maître en Guadeloupe, qui lui sont bien antérieures...). Que les candidats ne s’y méprennent pas: il ne s’agit pas pour le jury d’établir un interminable sottisier, mais plutôt de souligner ce qu’implique comme méconnaissance grave des mécanismes constitutifs des civilisations créoles telle erreur en apparence de détail. Inversement, et les résultats ne sont pas plus satisfaisants, l’histoire a pu être utilisée de manière mécanique, sans que le rapport avec le sujet ait été posé, avec des développements pesants, inutiles, d’autant plus pénalisants pour la prestation qu’ils se sont souvent accompagnés d’erreurs et de fâcheux contresens.

Si les connaissances historiques ne sont pas maîtrisées, le rapport à la géographie, ou avec l’espace, n’est plus concluant, ni au niveau des liens que l’habitat créole entretient avec certains types de sites, ni, sur un plan plus général, avec les différentes aires créoles. Sans même parler d’une absence de comparaison inter-zones (Antilles/La Réunion, et à l’intérieur de l’ensemble antillais Guadeloupe/Martinique), qui au demeurant n’a jamais été sanctionnée par le jury, il convient de souligner à quel point les copies n’ont guère tenté de sortir d’une zone donnée, identifiant ainsi de manière quasi systématique culture régionale et culture de proximité. Or les comparaisons avec une autre réalité sont absolument indispensables pour éviter d’ériger en norme ce qui n’est valable qu’en un seul lieu. Si Marie-Galante était manifestement une terre familière au rédacteur ou à la rédactrice d’une copie, le reste du monde antillais lui restait parfaitement inconnu – à moins de penser que Marie-Galante en soit l’incarnation absolue (pourquoi pas, si seulement la question avait été posée, et avait reçu une réponse argumentée). Les risques d’enfermement, déjà soulignés, sont ici multipliés, avec leur rançon d’appauvrissement de la pensée, sans oublier ce que peut impliquer in fine dans le rapport avec les autres le fait de se considérer comme la référence unique et absolue.

Quant à la dimension anthropologique, si importante dans ce sujet, on ne peut dire qu’elle se soit particulièrement manifestée dans les copies de la zone Antilles-Guyane. Trop souvent ces dernières se sont contentées de connaissances théoriques mal assimilées, et utilisées sans aucun rapport avec le sujet (les développements consacrés aux travaux de Charles Wagley sur l’Amérique des plantations ont bien montré, par exemple, tout ce qui sépare le «par cœur» de connaissances dominées). On regrettera beaucoup l’incapacité de la plupart des candidats traitant de thématiques antillaises à puiser dans leur propre vécu (chansons ….), ou dans un vécu encore proche (rites accompagnant la construction des cases rurales), pour rendre plus sensible une culture savante qu’ils peuvent posséder mais qu’ils exploitent peu ou mal, et qu’ils utilisent, dans le meilleur des cas, dans une optique strictement monodisciplinaire, alors même que ce sont justement ces mariages interdisciplinaires qui ont fait le prix des meilleures copies que le jury a eu à corriger. Les devoirs à orientation historique n’ont quasiment jamais pensé à utiliser les romans comme source d’information; les copies tournées vers l’anthropologie n’ont eu que trop tendance à complètement passer sous silence les liens avec l’histoire, non par volonté expresse, mais manifestement par ignorance totale que la question pouvait, et devait, être posée.

Une autre catégorie d’erreurs relève plutôt de la manière dont ces matériaux ont été utilisés. On soulignera plus spécialement les points suivants :

Une dissertation obéit à un certain nombre de règles formelles, normalement déjà connues des candidats, et qui ont été rappelées dans le rapport de 2002. Force a été de constater les mêmes maladresses au niveau de l’agencement des idées, les mêmes tendances à négliger l’obligation absolue de rédiger suivant un plan, et donc suivant une problématique explicite. Trop souvent la description cumulative a remplacé l’analyse, alors même que les descriptions attendues et nécessaires, en particulier dans le domaine architectural, ont brillé par leur absence, ou par leur indigence. Il est très clairement apparu que sur un sujet de ce type, qui demandait l’identification claire de catégories (anciennes cases serviles/maisons de haut et de bas/maisons de maître; cases rurales actuelles/cases ou maisons urbaines pour les Antilles;« ti kaz an pay, gran kaz, la kaz »/case/villa/maison, pour La Réunion), les explications sont généralement restées confuses et superficielles, faute de cadre réflexif, ce qui aurait évité ces résumés hâtifs de l’histoire ethnique et sociale de la région concernée, sans que le rapport au sujet n’ait jamais été mis en évidence, sans que la relation entre architecture et société ait été démontrée, faute aussi de connaissances précises et rigoureuses. Dans certaines copies, la «maison de maître» antillaise a fait l’objet d’explications particulièrement surprenantes quand la question du ou des styles a été abordée (bien trop rarement hélas) : l’influence anglaise été ainsi jugée décisive pour la Martinique et la Guadeloupe, sans que cette affirmation ait été étayée par le moindre argument (et pour cause …). Mais il faut bien dire que les connaissances sur les origines de la case sont tout aussi floues, avec l’incapacité manifeste de certains devoirs de la zone antillo-guyanaise de distinguer entre la case servile et la case rurale actuelle ou récente – ce qui implique, on voudra bien s’en convaincre, une vision des civilisations créoles parfaitement fixiste et fort peu convaincante.

L’attention des candidats est particulièrement attirée sur les inconvénients majeurs qu’entraîne une absence de réflexion sur le sens des termes qu’ils emploient. Pas plus en créole qu’en français «colons» et «colonialistes» ne sont synonymes, et il est pour le moins regrettable qu’un tel contresens, bien révélateur de sérieuses lacunes en culture générale, ait pu se trouver dans une copie de CAPES. Nombre de termes fondamentaux pour la compréhension des civilisations créole, tels que «béké», «blancs-pays», «milat» (Ant.), ont été utilisés sans autre forme de commentaire, comme si la connivence culturelle postulée avec le jury avait rendu toute explication superflue. La remarque vaut pour deux expressions récurrentes sous la plume de nombreux candidats (zone Antilles-Guyane), tantôt comme synonymes, tantôt comme antonymes, mais sans que jamais leur sens ne soit précisé. Ainsi, si certains d’entre eux ont vaguement donné l’impression que «kaz kolonial» et «kaz kréyol» (Ant.) n’étaient pas interchangeables, aucun n’a abordé explicitement cette question, qui était pourtant capitale. Enfin des termes comme «ajoupa», «maison de maître» (et ses déclinaisons antillaises de «grand’case», «maison à demeurer», «maison principale») et même «case», terme polysémique par excellence, ont été eux aussi employés comme si leur signification était d’une évidence absolue.

Sur l’articulation du fond et de la forme

Les remarques qui suivent ont pour but d’aiguiser la vigilance des candidats sur la forme et la qualité de l’expression langagière pour une épreuve dont le précédent rapport avait déjà souligné le poids et la difficulté. Même si certaines copies témoignent, sur ce point, d’un effort auquel les correcteurs ont été sensibles, un trop grand nombre d’entre elles donnent encore le sentiment que leur auteur n’a jamais réfléchi à la question du transfert des compétences de l’oral à l’écrit. L’usage d’une ponctuation cohérente et organisée n’a pas fait l’objet d’une considération suffisante dans les dissertations. Le sujet de civilisation faisait appel à des connaissances historiques dont le traitement exigeait un bon maniement des formes temporelles créoles. Pourquoi privilégieralors l’emploi exclusif du présent? «Ariv 1636 i partaz la ter» - «Dès 1636, on procède au partage des terres» (Réu). Trop de copies persistent à ignorer les contraintes liées aux différents registres stylistiques: in ta nafer la sanzé «Beaucoup de choses ont changé», ziska 1848 zot i bat dober si bann zesklav «jusqu’en 1848, ils exploitent les esclaves», pou fini ek sa «pour conclure» (Réu). S’agissant de la graphie, on a pu relever certaines incohérences, comme par exemple le fait d’écrire «habitacion» dans une rédaction où coexistent écriture étymologique et écriture phonétique. Nous renvoyons sur ce point aux recommandations de cohérence graphique développées dans le rapport 2002.

De manière générale, l’articulation des connaissances requises à l’organisation argumentaire et au développement rhétorique s’est révélée à cette session, comme l’une des difficultés majeures à laquelle a été confrontée la plupart des candidats. La démonstration, l’explication, l’explicitation, l’illustration: autant d’opérations appelées par le libellé du sujet autour de la qualification de «créole» devaient être rendues dans l’organisation du devoir et le déroulement de la pensée. Il serait bien misérabiliste et en même temps contraire aux réalités des vécus créoles que de laisser penser que le discours créole exclut «par nature» toute dimension analytique et explicative pour n’être en mesure que de narrer, décrire, illustrer par l’exemple. Outre ces procédés, il existe dans les langues créoles des procédures démonstratives et rhétoriques propres qui leur permettent de répondre au «comment?» de la problématique: on pense ici au « kou mannyè?» ( Mart.), «ki jan fè?» (Guad.) qui, entre autres locutions, expriment bien les prémices de l’interrogation analytique créole. On encourage le candidat à rechercher et trouver, dans sa culture et dans sa langue, les formes les plus adaptées au développement d’un discours savant problématisé et articulé sur des connaissances.

Dans la plupart des copies, malheureusement, l’évitement de l’analyse, déjà stigmatisé supra, a été le refuge le plus commode, au profit d’une juxtaposition de constats entrecoupés de gloses venues de lectures savantes mal digérées. Il en résulte, au plan purement formel, des incorrections qui se rapportent à

  1. des constructions syntaxiques calquées du français: c’est le résultat hybride et fort peu agréable à l’oreille
    (encore moins à l’écrit) d’une rhétorique créole peu créative et peu adéquate. Nous avons ainsi relevé: «Sé adan
    kontèks tala an mizi an mizi kay parèt plizyè mannyè rété ek bitasyon kréyòl
    » (Mart.); «… Sa ki ka kalifyé’y di kréyòl, sé sirtou éritaj listwa a » (Mart.); «Nou ka kalifyé ankò jodi a sèten labita épi kay dè kréyòl» (Mart.); «Té ni an pèp ki té ka kriyé Karayib», etc. Il importe de rappeler ici la nécessité du travail régulier et soutenu qui seul permet de parvenir à une expression écrite de qualité en créole, qui évite de recourir à ces calques systématiques: «listoir lé é la été inportan pou la Rénion, sa la permis a elle konstruir son lavenir, fer évolué lo péi li minm. I less rant bann zoland” (Réu). Ces calques malheureux, quand ils parviennent à éviter les constructions syntaxiques les plus lourdes, se retrouvent plus couramment dans le lexique. On était en droit d’espérer mieux que des formules du genre: «istorikman déterminé», «lenstitisyon totalitè», «imajinè kolèktif la», «sitiyasyon sosyo-istorik la», «kaz servil», «strikti ki mikst», «on sosyété binè» (Antilles) autant de formulations qui, pour avoir l’avantage de la transparence du sens pour un francophone, n’apparaissent pas comme résultant d’aucun travail particulier sur la langue.
     
  2. des créolisations phonologiques (et par suite graphiques) apparemment évidentes ou faciles qui ont produit des écarts de sens dans la langue écrite auxquels n’ont pas été attentifs bon nombre de candidats. Ainsi, pouvait-on certifier que le mot «labita», en réalité peu usuel dans les créoles antillo-guyanais, était bien le terme le plus pertinent pour «habitat». Nombre de candidats ne se sont pas interrogés non plus sur les différents usages du mot créole antillais «bitasyon» (habitation, campagne, terres mises en cultures), sur le glissement de sens qu’a subi le terme du français des îles du XVIIème siècle («habitation») au créole contemporain («bitasyon»), et donc sur les meilleures utilisations possibles du mot selon l’usage et le contexte. A l’inverse, quoique le jury n’ait pas, en matière de néologie, de règle à imposer, on ne saurait trop recommander aux candidats de recourir de préférence, dans ce type d’exercice académique et impersonnel qu’est la dissertation, à des termes attestés par l’usage populaire général (ex: esklav) plutôt qu’à des mots non reconnus dans le langage courant dont l’emploi pourrait être en outre contesté (ex: djouk qui est surtout connu des locuteurs créolophones pour être un coup porté en pointe).

Enfin, on a malheureusement revu dans les copies de dissertation créole de la session 2003 la plupart des erreurs déjà épinglées par le rapport 2002. Signalons quelques-unes de ces erreurs élémentaires d’opérateurs syntaxiques en créole qui ne sauraient persister dans un concours de ce niveau : ainsi, la gallicisation des déterminants … « nèg la» pour sé nèg la; « abita» calque de «des habitats» (Ant.); ou encore l’usage de la forme passive: «tè bati » pour «terre battue» (Ant.).

En revanche, saluons un certain effort des candidats de cette session pour restreindre l’emploi des relatifs explicites empruntés du français et leur préférer des formes plus traditionnelles en créole.

Traduction

Le texte proposé était le suivant:

Par la pensée analogique et symbolique, par l’illumination lointaine de l’image médiatrice, et par le jeu de ses correspondances, sur mille chaînes de réactions et d’associations étrangères, par la grâce enfin d’un langage où se transmet le mouvement même de l’Être, le poète s’investit d’une surréalité qui ne peut être celle de la science. Est-il chez l’homme plus saisissante dialectique et qui de l’homme engage plus? Lorsque les philosophes eux-mêmes désertent le seuil métaphysique, il advient au poète de relever là le métaphysicien; et c’est la poésie alors, non la philosophie, qui se révèle la vraie «fille de l’étonnement», selon l’expression du philosophe antique à qui elle fut le plus suspecte.

Mais plus que mode de connaissance, la poésie est d’abord mode de vie — et de vie intégrale. Le poète existait dans l’homme des cavernes, il existera dans l’homme des âges atomiques: parce qu’il est part irréductible de l’homme. De l’exigence poétique, exigence spirituelle, sont nées les religions elles-mêmes, et par la grâce poétique, l’étincelle du divin vit à jamais dans le silex humain. Quand les mythologies s’effondrent, c’est dans la poésie que trouve refuge le divin; peut-être même son relais. Et jusque dans l’ordre social et l’immédiat humain, quand les Porteuses de pain de l’antique cortège cèdent le pas aux Porteuses de flambeaux, c’est à l’imagination poétique que s’allume encore la haute passion des peuples en quête de clarté.

Saint-John Perse, «Poésie», Allocution au Banquet Nobel, Œuvre complètes, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1961.

 

Contextualisation du texte, considérations générales

Recevant publiquement le 10 décembre 1960 le prix Nobel de littérature, Saint John Perse prend le temps de gratifier l’assemblée de sa réflexion sur l’activité artistique qui justifie sa présence à Stockholm: «J’ai accepté pour la poésie l’hommage qui lui est ici rendu, et que j’ai hâte de lui restituer». Inscrivant son propos au-delà d’une simple dissertation esthétique, convoquant allusivement quelques échos de l’actualité mondiale, le poète guadeloupéen entame un véritable éloge à la poésie, reposant sur un parallèle hardi entre l’art et la science, leurs démarches, leurs procédures et leurs modes d’investigation. Refusant l’allocution de circonstance, Saint John Perse trouve les accents du plaidoyer pour souligner en quoi la poésie permet à l’esprit humain d’accéder à une surréalité, à laquelle la philosophie pas plus que la science n’a su parvenir, mais qui est la source même du divin. Les deux paragraphes soumis à la traduction interviennent au coeur de ce Discours du Banquet Nobel, comme le temps fort, la thèse du récipiendaire sur le rôle vital assigné à cet art majeur en ce XXème siècle incertain.

Les candidats à l’épreuve de traduction étaient par conséquent placés devant un texte abstrait, (ce qui n’exclut pas une visée argumentative immédiate), de grande facture stylistique, exigeant une lecture minutieuse et présentant de nombreuses subtilités conceptuelles.

Saint John Perse ne pouvait pas être inconnu des candidats au Capes de langue et culture créoles. Non seulement parce qu’il s’agit d’un des rares poètes français à avoir reçu le Prix Nobel, non seulement parce qu’il est né et qu’il a passé les douze premières années de sa vie en Guadeloupe, mais aussi parce que divers biographes et exégètes ont souligné la place occupée et la fonction jouée par le créole, pratiqué dans l’enfance du poète dans son écriture. Au lieu donc de partir instantanément à la recherche du rendu le plus basilectal en langue d’arrivée, il valait mieux se poser soigneusement la question de la compréhension globale du texte initial et de l’identification du genre et du contexte pragmatique afin de choisir une stratégie, un ton, une tonalité, pour tenter aussi d’atteindre le registre solennel, si cher à l’auteur d’Eloges. Qu’on l’appréhende dans sa typologie rhétorique (discours académique prononcé dans des circonstances extrêmement cérémonielles), au plan syntaxique (phrases longues, rythmées par des anaphores complexes et une ponctuation savante), ou au niveau lexical (vocabulaire fourmillant de connotations, d’allusions, de métaphores), l’extrait réclamait une extrême minutie dès la première approche. Répétons, après le rapport du Concours 2002, que, devant ce type d’exercice, le candidat est évalué premièrement à l’aune de sa capacité à prouver qu’il a compris un texte dans la langue de départ, ici le français et à en rendre un équivalent en créole. Dans un deuxième temps, il convient de sérier les difficultés, en faisant primer le rendu global et dénotatif sur les effets et les points de détails. Enfin, s’agissant de la parole d’un immense poète, né en pays créole, traducteur lui-même d’œuvres d’auteurs antiques, le jury pouvait espérer une version créole évitant les attributs stylistiques relevant de la langue de bois ou du lieu commun.

D’une façon générale, les performances de traduction des candidats ont été bien inférieures à celles du concours 2002. Cela s’explique évidemment par les difficultés inhérentes au sujet signalées plus haut, mais le jury tient à marquer aussi le constat d’une préparation insuffisante ou mal équilibrée. La multiplication des erreurs de traduction provient en premier lieu d’un défaut de positionnement du candidat entre les deux langues. Il semble que le contrôle supposé des deux codes pousse globalement les candidats à minorer la partie compréhension française, et ensuite à sous-estimer la partie écriture créole du travail. Soit on «comprend» a minima ou par défaut, soit on rédige à l’économie, soit on surtraduit en plaçant dans le texte d’arrivée des formes «emblématiques» que l’on tenait à placer à tout prix. Soit on combine plusieurs de ces options, ce qui rajoute au sentiment de disparate que peut éprouver le lecteur. Si bien que le correcteur ne retrouve plus la pensée d’un écrivain dans sa cohérence mais l’expression maladroite d’une transposition pauvre ou la réécriture enflammée et militante d’une idéologie compensatoire. L’épreuve de traduction du concours de recrutement des professeurs ne peut pas se transformer en une vitrine d’exposition des dernières trouvailles d’une activité néologique fondée prioritairement sur la déviance par rapport au français, langue de départ de cet exercice de traduction, ne l’oublions pas.

Une fois le texte lu et compris, il convenait donc d’aborder l’étape du repérage des difficultés et des choix. Il n’est pas simple de trouver l’équivalent dans une langue à tradition orale, du ton de ce discours littéraire fourmillant de clins d’œil et de références à l’histoire de la pensée occidentale. Les candidats devaient donc vite réaliser la nature du risque encouru à vouloir opérer des transpositions terme à terme, et opter assez vite pour un redécoupage du texte et une recherche d’unités syntaxiques et sémantiques pertinentes du point de vue de la cohérence et de la cohésion des textes déjà rencontrés en créole, ce qu’on pourrait appeler les formes analogiques de la déclamation créole.

Le rapport 2002 n’avait pas souhaité inclure de propositions de traduction complète susceptibles d’être confondues avec des corrigés dispensateurs de normes. Le jury se contentait de relever et de classer les principales erreurs commises en les illustrant par des extraits tirés des copies. Bien des remarques faites à ce propos demeurent malheureusement valables et décrivent bien les copies du concours 2003. Un rapport de jury ne pouvant être confondu avec un traité ou un manuel méthodologique, il appartient aux candidats de se doter des outils nécessaires. Nous suggérons néanmoins l’examen du relevé de difficultés qui suit, constitué d’items qui ont particulièrement retenu l’attention des correcteurs.

Difficultés lexicales

«Philosophe» – «philosophie», «poète» – «poésie», «métaphysique» – «métaphysicien»: que faire devant ces termes qui n’existent pas dans leur extension classique (et pour cause) dans le créole traditionnel? La tentation serait grande de les traduire par des périphrases, des néologismes. Par ailleurs, ils sont dans ce texte dotés d’une telle dénotation que l’option de la créolisation de la forme phonétique/graphique n’était pas non plus à exclure a priori. Ainsi la correction n’a pas disqualifié pour les créoles antillais et guyanais les mots «powèt» ou «poet» «filozof» voire même «métafizisien» quand le choix du traducteur se justifiait sur l’étendue de la phrase. Encore que des constructions comme «met filozof», «mèt powèt» ou «mèt a lé-mo» peuvent paraître très acceptables, et sans doute préférables à «mèt a pawol» ou a «mèt a lidé» qui renverraient à des désignations trop floues. D’autres concepts comme «la métaphysique », «la surréalité» semblaient pouvoir être rendus en créole par des équivalents conceptuels: l’affixe la qui dans le créole populaire parlé «classique» a valeur allégorique y recourt couramment. Ainsi «lavérité» (en un seul mot) était une traduction acceptable du concept de métaphysique; «lakonésans» a été accepté pour rendre l’idée de surréalité. Côté réunionnais, on a pu relever «par le kalou la poézi» (par la grâce poétique?), «pèlmélaz» pour «associations», «i sort déor» pour «étrangères», ou «mil kanal» pour «mille chaînes». Ces choix nous semblent refléter un manque d’attention au registre global du lexique de départ.

De même «la pensée analogique» nous a semblé pouvoir être traduite sans risquer de trop grandes dérivations du sens par l’idée de «palé an parabol» expressions bien connues du référentiel des «maitres-devineurs» dont le devisement et les sentences en langage méta-philosophique est bien connu dans l’univers culturel créole. Beaucoup ont eu des difficultés à traduire «l’homme des cavernes» et ont choisi une traduction littérale. Il convenait de se souvenir que le lexique créole dispose pour rendre les temps anciens d’une panoplie d’expressions qui pouvaient s’insérer ici sans trahir l’idée initiale. Des expressions comme «An tan diab té ti gason …» , «An tan nonm té ka rédi kalpat, «Dépi nanni nanan» étaient tout à fait acceptables et conformes au sens initial.

Pour d’autres termes apparemment plus usuels comme «l’étonnement» mais ici traversé par la sémantique de l’étymologie, la traduction par un équivalent apparent pouvait se révéler un faux ami: ainsi le mot estèbèkwè (Mart./Guad. = stupéfaction) auquel beaucoup ont naturellement songé, connote trop précisément l’ébahissement un peu stupide, pour rendre avec exactitude l’idée de l’étonnement philosophique. Une créolisation hâtive pouvait être aussi hasardeuse; on risquait le barbarisme ou le gallicisme (ex: «létonman»). Dans ce cas précis, le recours à une périphrase ou une composition (par exemple: «rété gadé») était préférable.

«Part irréductible de l’homme»: plusieurs rendus étaient possibles. Nous avons d’ailleurs relevé quelques traductions heureuses. Ainsi: «I an nannan an nonm la menm» (Guad.) ou dans le même esprit «I an tchè koko moun» (Mart.). De même avons-nous pu juger heureux d’avoir traduit «exigence spirituelle» par «fos(a) lespri».

Ainsi, pour «l’illumination lointaine de l’image médiatrice», on attendait un autre choix que «an kléré lwenten limaj médyatris la» (Mart.) Non seulement, le recours au mot à mot, «est le refuge ultime du traducteur qui ressent ses limites au plan des compétences linguistiques et littéraires» ainsi que le disait le rapport 2002 (p. 13), mais encore il peut amener le candidat au faux-sens, au contresens, ou pire au «charabia» évidemment plus disqualifiant qu’une traduction approchée de l’idée.

Difficultés syntaxiques

La première phrase offrait un exemple de ce type de difficultés que l’on pouvait contourner soit en rétablissant le sujet (le poète) en début de phrase, soit en tentant de conserver la structure prosodique de la phrase source. Une proposition possible aurait été de rendre la construction initiée avec la préposition «par» grâce à une construction classique en Guadeloupe «Sékon» ou en Martinique «ansanm», dont la répétition s’accorde parfaitement au style déclamatoire du texte.
Ex possible: Sékon menm i palé an senbol é parabol; sékon menm on zétwal soti an bout a syèl vini poté bel mo pou lidé ki travèsé tèt a’y; épi tout jékwaré a on tcholé bèl mo bel lidé akolé mayé ansanm; sékon menm, poulosdonk, lagras ba’y pasaj pou i pé sa di tousa ki vérité, mèt-a-lémo viré lasyans do pou rantré adidan lakonésans an plen.

La séquence «[les philosophes] désertent le seuil métaphysique» pouvait aussi être diversement rendue, en créole antillais: «kouri douvan lavérité», «mandé lavérité padon», «kayé …» ou d’autres images du même type. En tout cas la forme verbale réunionnaise «i guingn la zèl», ou encore une phrase réunionnaise comme «kan lo bann filozof zot mèm i lès tonbé la métafizik» ont semblé un peu pauvres.

Par ailleurs, nous avons pu trouver pour «C’est à l’imagination poétique que s’allume encore la haute passion des peuples en quête de clarté» … «Sé épi limajinasyon poétik éti ka limer pasion wo a di sé pèp la ka chèché limyé ». On a pu également traduire le passage «… selon l’expression du philosophe antique à qui elle fut le plus suspecte» «par le mot à mot suivant: «silon pawol filozof la ki ka touvé’y pli sispè a» ou plus incompréhensible encore: «le poète existait dans l’homme des cavernes, il existera dans l’homme des âges atomiques» par «Dépi lè’y té ka viv kon bèt nan twou sé gran mon-lan ek ké toujou ni an powèt ka viv andidan tchè sé tala ki ké viv épi sé atonm la» … autant de phrases types qui, en voulant épouser fidèlement le texte, finissent par ne rendre ni la structure de la phrase française ni l’idée initiale.

Quelques exemples de problèmes de traduction dans des copies réunionnaises sont étudiés plus bas:

Dans certains cas, le texte d'arrivée n'a plus rien à voir avec le texte source:

  • "Est-il chez l'homme plus saisissante dialectique et qui de l'homme engage plus?" / "kisa i koné in ot sobatkoz i bliz plis ke sa demoun mèt anlèr son fonnkèr ?"
  • "de l'exigence poétique" / "akoz la poétik i rod le fion".

Quant au registre, on pourra noter les exemples suivants qui laissent songeur:

  • "Quand les philosophes désertent la métaphysique" / "kan lo bann filozof zot mèm i lès tonbé la métafizik".
  • "parce qu'il est part irréductible de l'homme" / "li lé dann fièl lo boug"
  • "Quand les mythologies s'effondrent" / "kan zistoir lontan na pi léfé"

Afin d'illustrer les erreurs liées à la correction grammaticale, l'on citera les exemples suivants:

  • "èl té i lé": introduction d'un indice verbal au niveau du verbe copule.
  • "par la pensée": "travèr le majinasion"
  • "sirtou do viv lo pli posib": emploi de la préposition devant le verbe
  • "i bat karé pi": position de la négation

Options

Anglais : Commentaire dirigé en langue étrangère

Comme cela a été indiqué dans le rapport sur la session 2002, l’épreuve — un commentaire dirigé en langue étrangère d'un texte littéraire ou de civilisation se rapportant au programme (durée: cinq heures; coefficient 1) — exige, non seulement une connaissance de l'oeuvre, mais aussi une réelle maîtrise de l’expression écrite en anglais et des compétences méthodologiques: d'analyse littéraire, pour ce qui est de la session 2003 spécifiquement, et d'organisation en ce qui concerne le commentaire. Il est rappelé aux futurs candidats que l'acquisition de ces compétences ne peut s'improviser et qu'elle doit se faire par un entraînement régulier tout au long du cursus universitaire de premier et deuxième cycles.

Notre propos ici ne sera pas de donner un corrigé type (à cet égard, consulter le rapport de Capes externe d’anglais de la session 2003) mais de présenter des observations qui s’appuient sur les copies des treize candidats (contre douze en 2002) ayant présenté cette option à la session 2003 du Capes de Créole, remarques qui visent à guider les futurs candidats pendant leur préparation.

Connaissance de l’oeuvre

Comme l' oeuvre proposée, A midsummer night's dream, était relativement brève, on aurait pu s'attendre à ce que les candidats en aient une connaissance satisfaisante, ce qui était tout à fait possible s'ils avaient lu cette pièce de la fin du seizième siècle en s'appuyant sur l'aide lexicale de l'édition préconisée. Le jury a encore constaté en 2003 que trop peu de candidats semblaient avoir réellement lu l'œuvre et donc compris ne fût-ce que la trame événementielle, d'où de nombreux contresens sur la nature de l'intrigue amoureuse, une confusion entre les personnages de Helena et Hermia, une référence au personnage masculin de Lysander qui indique que le candidat croyait qu'il s'agissait d'une femme, l'ignorance du fait que dans le passage à étudier les spectateurs savent que les personnages masculins sont sous l'influence d'un philtre, l'attribution — totalement erronée — à Lysander d'un rôle de manipulateur de l'ensemble de la situation décrite dans le passage proposé aux candidats...

La consigne du sujet du concours 2003, comme celle de 2002, invitait les candidats à faire entre autres un va-et-vient entre le passage proposé et des parties antérieures de l'œuvre, ce qui était de toute évidence impossible pour plusieurs candidats dont la connaissance de l'œuvre se limitait à leur lecture des pages du sujet (lecture souvent défaillante, d'ailleurs, faute, pour le candidat, d'avoir exploré la langue de Shakespeare). On rappelle avec insistance aux candidats que le commentaire composé en langue anglaise ne porte pas sur un sujet hors programme, et que seule la lecture et l'étude des œuvre au programme permettra au candidat de contextualiser le passage proposé et de le mettre en perspective convenablement. Faute de quoi, de trop nombreux candidats en étaient encore cette année réduits à une paraphrase maladroite du passage proposé ou à un collage de citations qui ne pouvaient tenir lieu d'analyse.

Nous ne pouvons que conseiller encore une fois aux futurs candidats de se familiariser avec l’œuvre au programme dès que possible avant le début des cours et d’en faire ensuite plusieurs lectures à différents niveaux, afin d’en appréhender toutes les dimensions.

Remarques d’ordre linguistique

Le jury avait déjà indiqué dans le rapport sur la session 2002 que le commentaire de texte en langue étrangère nécessitait, outre une bonne connaissance de l'œuvre et une réelle compréhension du passage à commenter, une expression écrite non seulement grammaticalement correcte mais aussi adaptée, du point de vue stylistique et rhétorique, à l'exercice. Nombreuses étaient, malheureusement, les copies dans lesquelles la qualité de l'expression en anglais fut jugée insuffisante.

Le jury a encore constaté en 2003 que, dans certaines copies l'expression écrite ne permettait nullement au candidat de développer — voire tout simplement de formuler — ses idées, et souligne donc l'intérêt qu'ont les candidats à l'option anglais à améliorer la qualité de leur expression en anglais, là aussi par une pratique régulière et une correction de leurs productions.

Lexique

Cette épreuve nécessite, comme il a été rappelé à propos de la session 2002, un certain registre qui ne peut se limiter à un vocabulaire élémentaire usuel d’anglais. Il faut savoir manier plusieurs champs lexicaux dont celui de l’argumentation (qui comprend le débat d'idées, la présentation d'une interprétation etc., ce qui fait appel aux connecteurs logiques rhétoriques) et celui qui convient au type d’analyse approprié (littéraire dans le cas présent, éventuellement de civilisation). Trop souvent le lexique (et donc les concepts) de l'appareil critique est absent des copies alors que, dans certains cas le candidat manie des concepts mieux adaptés à la fiction (narrative agency, reader...) qu'au théâtre, ce qui est certes un moindre mal.

Par ailleurs, le jury a trop souvent lu des termes calqués sur le français voire tout simplement du français (*franc; *trocking; *didascalie; *paradoxal; *comparaison...), sans parler d'une orthographe souvent défaillante (*fieries; *rethorical; *writting; *pationate; la confusion for / four; *mithology; *Orphée...), ou alors carrément de barbarismes (*ill-banned; *aparedly; this *assert; not *awared of...).

Syntaxe

Outre les calques de structure (cf. *if I can say it so) qui témoignent d’une incapacité à réfléchir dans la langue cible et d’un manque d’authenticité, défaillances déjà signalées dans le rapport de l'an dernier, les correcteurs ont souvent trouvé des structures aberrantes (cf. *this is what Lysander makes allusion when he says...; *what they [Ø] aware is going on; *she asks explanations to Lysander; *this way of write plays...). Dans les deux cas ces carences découlent d'un manque d’entraînement régulier. Là aussi la pratique de la production écrite soutenue et de la lecture s'impose au candidat qui veut éviter de tels écueils.

Morphologie

Un nombre élevé d’erreurs morphologiques dans une copie est un autre indicateur de compétences linguistiques d'une fiabilité insuffisante. Nombreuses étaient les copies dans lesquelles on pouvait constater des défaillances «classiques» de ce type: formes du génitif (*of it writer; the fieries [sic] intervention), de la détermination nominale (*in the verse 169), de la morphologie verbale («s» de la 3ème personne du singulier déplacé ou indû (*he do loves her; *he do believes; *they wants), du participe passé (*who has ask; *his power is showed; *they are awaken), ce dernier parfois employé avec un accord «inventé» avec le nombre du sujet (* they are seens [sic]), sans oublier les utilisations abusives des tenses, des modalités et des aspects.

C'est encore par la pratique de l'expression écrite que les candidats pourront éliminer ces erreurs souvent élémentaires.

Remarques d’ordre méthodologique

Dans l'ensemble, les candidats semblent avoir mieux compris qu'en 2002 la nécessité de structurer leur propos et d'établir un plan, même si, dans bien des copies, ce dernier n'a pas permis au candidat de cibler une problématique pertinente (souvent faute d'une connaissance suffisante de l'œuvre, cf. supra). Malgré la présence d'un plan, nombre de démonstrations partent d'une introduction trop générale ou sommaire pour passer par un développement mécanique ou statique avant d'arriver à une conclusion répétitive ou d'une grande banalité.

S'agissant d'un passage dans lequel Shakespeare mélange différents styles et effets rhétoriques, le commentaire aurait dû prendre en compte les principales techniques, ce qui aurait permis aux candidats de mieux aborder la 'forme' (style, versification etc.) du passage proposé. Or cette dimension a trop souvent été négligée par les candidats ou réduite à une observation minimale (cf. un constat du passage des vers rimés aux vers blancs). Précisons que, dans le cas présent, la connaissance de l' œuvre implique une familiarité à la fois avec la trame événementielle et avec la composante 'stylistique', et que celle-ci devait retrouver sa place dans le commentaire.

Remarques conclusives

Le jury ne peut que rappeler ce qu'il avait déjà signalé dans le rapport sur la session 2002 : l'épreuve de commentaire en langue étrangère ne s'improvise pas : qu'il soit littéraire ou de civilisation, le commentaire en langue étrangère requiert un entraînement, tout au long de l'année de préparation du concours, visant à acquérir:

  • en anglais écrit, une réelle compétence tant linguistique (compétence lexicale et grammaticale en anglais) que formelle (capacité à formuler et à mettre en œuvre un plan; rhétorique de la démonstration argumentative);
     
  • une connaissance détaillée des œuvre au programme, connaissance qui ne s'acquiert que par des
    lectures attentives des textes;
     
  • une véritable maîtrise des outils méthodologiques littéraires ou de civilisation;
     
  • une capacité à faire des commentaires en temps limité mettant en œuvre les trois domaines que l'on vient de citer.

Espagnol : Commentaire dirigé en langue étrangère

Le B.O. n°11 du 15 mars 2001 définit l’épreuve d’option «espagnol» du CAPES externe de créole: il s’agit de la «première épreuve écrite d’admissibilité proposée aux candidats du concours externe du CAPES de langues vivantes étrangères […] espagnol, au titre de la même session, et portant sur le programme des épreuves écrites dudit CAPES.»

Le texte proposé au commentaire cette année était un extrait de la scène 5 de l’acte V de la pièce de théâtre de Lope de Vega, La Dorotea (1632), et les candidats étaient invités à répondre à une série de cinq questions qui les amenaient à préciser progressivement le commentaire du passage pour en dégager les aspects les plus significatifs: il est impératif, à cet égard, de respecter l’ordre des questions.

Soulignons, d’emblée, qu’un candidat ne peut envisager de satisfaire au minimum d’exigences d’un tel travail s’il n’a pas lu attentivement l’ouvrage au programme. Or, nos trois candidats ont été incapables de situer le passage de façon précise, en nommant les personnages - Don Fernando n’a pas toujours été correctement identifié - et en rendant compte, même au premier degré, de ce qui précède: nous n’avons trouvé aucune mention, par exemple, de la scène 3 du même acte qui fournit des éléments essentiels au déroulement de l’intrigue, et la méconnaissance de l’œuvre a empêché que l’on mette en évidence le caractère récurrent de la scène - ainsi la scène 5 de l’acte I n’a-t-elle pas été citée.

Les remarques qui précèdent se rapportent à la première question qui vise à situer le passage, or les questions suivantes plus ciblées - sur le sonnet, sa portée et les commentaires des deux personnages féminins, puis sur la façon dont se confondent la vie et la littérature dans le passage proposé - ont été encore plus problématiques pour les candidats qui semblent ne pas les avoir toujours bien comprises et qui, arrivés au terme de leur travail, n’ont pas été à même d’expliquer, comme on le leur demandait en conclusion, dans quelle mesure cette scène est représentative de l’œuvre.

Insistons une fois encore sur la nécessité de lire attentivement les ouvrages au programme afin de réaliser un travail cohérent : nous avons remarqué, comme l’an dernier, que les candidats, alors qu’ils n’ont pas même situé clairement le passage, ont tendance à «plaquer» sur le texte d’éventuelles et rapides lectures critiques.

Enfin, nous déplorons la médiocrité de la langue utilisée et nous avons relevé nombre d’impropriétés, de barbarismes et de solécismes ainsi que des insuffisances lexicales, tous obstacles qui nuisent à la précision de l’énonciation et à la clarté de l’argumentation.

Nous invitons les candidats à se référer au rapport du jury du CAPES d’espagnol qui leur fournira nombre d’indications précises quant à la façon de traiter le sujet proposé.

Français : Composition française5

Le présent rapport renvoie en premier lieu au contenu du rapport du Capes de créole 2002, tant pour l’écrit que pour l’oral. Nous préciserons uniquement ici les éléments qui ont semblé significatifs au jury et particuliers de la session 2003 du concours.

Méthodologie

Nous souhaitons d’abord réitérer que pour cette épreuve, il est nécessaire de se former et de s’entraîner. En effet, il est très important de se préparer à l’écrit du concours. Faire une composition française, c’est mettre en œuvre une démarche intellectuelle, se conformer à une méthodologie rigoureuse et à des codes qui peuvent et doivent s’apprendre En aucun cas les candidats ne devraient s’en remettre à l’inspiration ou à la chance. Il faut donc apprendre à maîtriser avec rigueur et sérieux les exigences de l’exercice et s’entraîner le plus possible en rédigeant des dissertations tout au long de l’année.

Le passage, extrait pour la session 2003 de l’article «Le texte et la scène pour une nouvelle alliance» in Le Spectateur en Dialogue était structuré par l’opposition «texte clos / texte ouvert». Bernard Dort s’interroge sur la pérennité des textes dramatiques, supposant que celle-ci tient avant toute chose à la pluralité des «lectures» que l’on peut mener sur les textes.

Examinant les rapports du texte et de la scène, Bernard Dort écrit:

«Aussi, les plus grands textes de théâtre, ceux qui ont suscité, à travers les âges, le plus d’interprétations scéniques, et les plus différentes entre elles, sont-ils ceux qui, à la lecture nous semblent les plus problématiques. Complexes au point de paraître presque incohérents. Foisonnants à la limite du désordre. Un texte clos sur lui-même, qui contient expressément une réponse aux questions qui y sont formulées, a peu de chances d’être jamais repris. C’est le sort des pièces à thèses. En revanche, un texte ouvert, qui ne répond aux questions que par de nouvelles questions et qui prend délibérément le parti de son propre inachèvement, a toutes les chances de durer. C’est qu’il fait appel à la scène, qu’il la
provoque et a besoin d’elle pour prendre consistance.»

La réflexion devait s’appuyer sur un large éventail de références littéraires précises et utilisées à propos (non, les Rêveries du promeneur solitaire ne sont pas un texte de théâtre…), d’autant plus que la citation se plaçait délibérément dans une perspective historique. Cependant, la proposition que contenait le libellé du sujet «à travers les âges» a probablement incité les candidats soit à développer de longues, fort longues considérations sur l’histoire du théâtre (telle copie ne pose pas clairement de problématique et ne traite la question posée par le sujet qu’en page 6… - la réflexion est alors réduite, faute de temps, à sa plus simple expression) soit à dresser bien des catalogues plus ou moins bien informés. L’histoire littéraire, qui donne au candidat toute la matière de sa réflexion et qui nourrit ses analyses, ne doit pas apparaître dans les copies sous forme de compterendu de cours, de développement chronologique déroulé de façon passive et sans lien pertinent avec le sujet.

Explorer les limites de la citation, c’était ici s’interroger sur les notions de complexité, foisonnement, désordre… Le jury attendait une réflexion sur ce que peut être un texte clos ou bien un texte ouvert. Ces concepts posaient évidemment quelques problèmes. Ils appelaient une définition fondée sur des considérations formelles (liées à une forme de l’expression). Ainsi, telle copie considère sans plus de détails qu’un texte clos est un texte «dont on connaît la fin», telle autre, qu’il s’agit d’une «histoire qui finit mal». Pour une autre, tout texte de théâtre antérieur au théâtre de l’absurde est nécessairement clos. Le jury a pu rencontrer encore une longue réflexion sur l’opposition entre texte en vers et textes contemporains… Le lien avec le sujet posé devient très difficile à identifier.

La lecture trop rapide du passage proposé pouvait donc conduire à des contresens sur les termes mêmes de la citation. Mais rédiger trop vite, sans prendre le temps de l’analyse, c’est risquer également que la problématique retenue soit partielle et ne révèle pas tous les enjeux proposés par la citation. On trouve, par exemple, des problématiques qui réduisent le sujet à la première ligne du texte «Qu’est-ce qu’un grand texte de théâtre?». Ou bien plus loin encore de la problématique de la citation : «Le théâtre contemporain est-il plus ouvert que les textes en vers?». Notons aussi qu’une problématique satisfaisante est suffisamment «ramassée». Si elle se disperse, les enjeux sont noyés, le correcteur également… «Peut-on parler d’une nouvelle alliance du texte et de la scène? Ou cela a-t-il toujours été ainsi? Que nous enseigne le théâtre de façon générale? Quels grands textes ont traversé le temps? Que nous enseigne l’histoire des peuples, les événements de tous les jours et quel rapport avec le théâtre?» La dérive est évidente…

Rappelons au passage qu’on s’attendait ici à une problématique centrée sur la question du «message», des lectures plurielles qui s’organisent autour d’un texte dramatique au travers des interprétations (proposées par tel ou tel comédien), mises en scènes (sous l’égide de tel ou tel metteur en scène, actualisées dans tel ou tel théâtre contemporain) et exégèses en tout genre.
Il fallait comprendre en effet le mot «lecture» dans la pluralité.

S’il est question de lecture «problématique» au début du sujet, il est supposé par la suite que la lecture ne se fait pas simplement «sans quitter [son] fauteuil». Les lectures actives, intérieures ne sont qu’une première étape.
Le titre de l’article («Le texte et la scène pour une nouvelle alliance») était à cet égard fort éclairant. L’enjeu était bien la « reprise» ou non du texte sur une scène de théâtre, critère ultime de qualité. C’est en s’interrogeant sur l’actualisation des textes dramatiques dans leur diversité que l’on pouvait sans doute dépasser l’opposition quelque peu fermée « texte clos» / «texte ouvert» (éventuellement dans une troisième partie du travail) en donnant au spectateur un rôle actif dans la construction du sens, dans son interprétation également. Plus avant encore, la lecture, le travail du metteur en scène, l’interprétation des comédiens qui offrent mille perspectives, élargissent toujours plus le «sens» des textes. La réflexion s’enrichissait considérablement de ces aspects «secondaires».

À titre d’exemple, la problématique suivante, rencontrée en introduction «Peut-on considérer avec B. Dort que l’ambiguï té d’un texte de théâtre, liée à la multitude des lectures qui peuvent en être faites, signale son excellence et garantit sa pérennité?» posait efficacement les enjeux de la question.

Attention également à la conclusion. C’est un moment stratégique du parcours de l’argumentation. Dans l’idéal, elle fait un bilan des acquis, parcourt rapidement le chemin emprunté et ouvre le sujet vers d’autres horizons. Il convient donc d’éviter d’apporter des arguments neufs, voire de contredire ce qui a été dit auparavant. La conclusion est aussi pour le lecteur l’occasion de se constituer une dernière impression. Enfin, ouvrir le sujet, comme le préconisent bien des manuels, au moment de la conclusion n’est pas se débarrasser du problème «Autant de questions qui trouveront réponse dans le futur»…

Histoire / Géographie

Les lauréats au CAPES de créole option histoire-géographie ont vocation à enseigner ces deux disciplines.

Aux épreuves écrites d’admissibilité, les candidats qui ont opté pour l’option histoire-géographie du CAPES de créole choisissent de passer leur épreuve en histoire ou en géographie. Ils composent sur un sujet commun aux sections histoire-géographie, basque, breton, catalan et occitan-langue d’oc du CAPES ; le libellé du sujet et la durée de l’épreuve sont identiques.

Les candidats sont évalués dans l’épreuve écrite qu’ils ont choisi selon les mêmes critères que les autres candidats passant cette épreuve d’histoire ou cette épreuve de géographie. C’est pourquoi nous invitons les candidats au CAPES de créole choisissant l’option histoire-géographie à se reporter aux rapports annuels du jury du CAPES d’histoire-géographie pour plus de précision sur les conseils et les attentes des correcteurs. Ces rapports sont publiés dans la revue Historiens et géographes, ainsi que des conseils bibliographiques.

Le jury de géographie a corrigé quatre copies, notées de 3 à 8/20, pour une moyenne de 5/20. Le sujet, "Les espaces touristiques en France", n'a pas dérouté les candidats. Le jury a apprécié l'effort d'illustration cartographique des candidats, mais regrette que la réflexion sur les termes du sujet n'ait pas été suffisamment approfondie. Dans la majorité des copies, le sujet traité était davantage "le tourisme en France" que "les espaces touristiques en France". Au-delà d'une présentation générale sur le secteur touristique de l'économie française, le jury attendait des candidats qu'ils sachent analyser différents types d'espaces touristiques, à différentes échelles; leur origine, leur fonctionnement et leur évolution. Tous les plans étaient recevables, pour peu qu'ils fussent logiques et géographiques.
 

boule boule boule boule boule
5 La lecture, complémentaire, du rapport du CAPES de spécialité correspondant est conseillée aux candidats.
 
 
logo