Epreuves d’admissibilité
Créole
Dissertation
Préambule
Le sujet de dissertation portait, en 2003, sur un thème
de civilisation.
« En vous fondant
essentiellement sur des faits observés dans votre
domaine géographique, socio-historique et linguistique
(la Guyane ou la Martinique ou la Guadeloupe ou la Réunion)
sans négliger, autant que possible, la comparaison,
pouvez-vous montrer ce qui permet de qualifier diverses
formes d'habitat et d'habitation de ces domaines "créoles".
» |
|
Dissertation de civilisation
: 62 copies |
Notes de 0 à 5 : 35 |
56,55 % |
Notes de 6 à 8 : 11 |
17,7 % |
Notes de 9 à 11 : 8 |
12,9 % |
Notes de 12 à 13 : 5 |
5,8 % |
14 et plus : 3 |
4,8 % |
Note moyenne des copies
: 6,11
|
Notes inférieures à
10 : 47 |
75,80% |
L’importance, en pourcentage, des notes très basses
(plus de la moitié des copies sont égales ou inférieures
à 5/20, trois copies sur quatre n’atteignent pas 10/20)
incite le jury à exprimer ses attentes pour bien cadrer la
préparation future des candidats au concours.
La première observation est qu’une bonne partie des
candidats semble entretenir une idée assez vague et éloignée
de la réalité de ce qu’implique le fait de se
présenter au CAPES, Certificat d’Aptitude Professionnelle
à l’Enseignement Secondaire, en particulier au niveau
des connaissances, de la quantité et de la qualité
de travail exigée en vue de sa préparation.
Un trop grand nombre de candidats a donné l’impression
d’être «venus pour voir», sans préparation,
sans acquis de lecture, sans réflexion préalable,
sans idée autre que celle de vouloir tenter la chance, et
pensant pouvoir le faire à moindre frais. Par respect d’abord
pour les élèves, et les attentes qu’ils sont
légitimement endroit d’entretenir face au système
éducatif dans lequel ils sont accueillis, mais aussi par
respect envers ce que représentent les langues et cultures
régionales pour les populations concernées et pour
l’ensemble de la France qui reconnaît et valorise ainsi
sa pluralité, par respect enfin pour le travail et la compétence
des certifiés déjà en poste, le jury ne peut
laisser croire que la réussite à un concours tel que
le CAPES de créole dépend d’un simple et heureux
coup du sort. Les candidats doivent se préparer sérieusement
et se hisser au niveau des exigences que l’on doit avoir compte
tenu de leurs fonctions futures.
Cette mise en garde doit être d’autant plus entendue
qu’une ambiguïté manifeste semble s’être
installée dès le départ sur la définition
de ce qu’il convient d’entendre par langue et culture
créoles. Certaines prestations n’ont que trop
confirmé ce qui était déjà perceptible
l’an dernier, à savoir l’enfermement des candidats
dans une vision de leur culture détachée de tout arrière-plan
historique, coupée de tout lien avec une culture savante
implicitement perçue comme étrangère aux mondes
créoles (alors même qu’elle en fait partie …),
pour ne pas dire réduite à des isolats d’autant
plus sublimés qu’ils semblent, dans certains cas extrêmes,
perçus comme l’émanation exclusive de ce qu’on
appelle parfois la «culture du pauvre et de l’opprimé
».
Il convient en outre que les candidats ne perdent jamais de vue
que les CAPES de langues et cultures régionales ne se résument
pas à la seule pratique de la langue: si celle-ci est nécessaire,
elle n’est pas suffisante. Le fait de se sonsidérer
(souvent légitimement) comme créolophone ne dispense
pas d’avoir à se constituer un bagage intellectuel,
dans des domaines multiples, et suivant des canaux légitimés
par la tradition académique. Si le recours à l’expérience
quotidienne et directe des langues et cultures concernées
ne peut être qu’apprécié par le jury,
celui-ci met fermement en garde contre leur utilisation sans aucune
mise en perspective. Un commentaire d’une représentation
iconographique d’habitation-sucrerie, l’exemple est
ici emprunté aux épreuves orales, aura ainsi tout
intérêt à reposer sur des études historiques
rigoureuses et non sur des représentations plus ou moins
approximatives, dont la provenance est incertaine. L’étude
de la mémoire collective et du sort qu’elle fait à
certains éléments historiques est sans aucun doute
instructive, mais elle doit alors être étudiée
en tant que telle, et ces représentations ne doivent pas
être substitués aux connaissances historiques ou anthropologiques
disponibles.
A propos du sujet
Que demandait le sujet? Ainsi que cela était très
clairement énoncé, de définir ce que l’on
entendait par habitat et modes d’habiter créoles,
ce qui impliquait d’analyser les éléments sur
lesquels cette définition pouvait se fonder, en englobant
spécificités proprement régionales et mécanismes
génériques des terres concernées. Encore convenait-il,
d’abord, de signifier ce qu’il convenait justement d’entendre
par «créoles» (terme qui était, indice
supplémentaire offert aux candidats, mis justement entre
guillemets!), ce que l’écrasante majorité des
copies a évité de faire.
Une introduction partant de notions générales, la
forte charge symbolique de l’habitat dans sa relation à
l’environnement et aux formes architecturales, dans sa relation
aussi à la société dont il est une des représentations
les plus abouties, était la bienvenue. L’indispensable
enchaînement du général au particulier s’opérait
alors sans difficulté, avec dans la foulée l’indispensable
explication de l’adjectif «créole» (explication
courte, dense, synthétique puisqu’elle se situait dans
l’introduction, ce qui n’empêchait nullement,
bien au contraire même, de reprendre certains des éléments
de cette définition, un par un, dans tel ou tel paragraphe
de la démonstration).
Le jury ne souhaitant pas enfermer le raisonnement des candidats
dans un plan type, qui n’a pas lieu d’être, ne
proposera pas de corrigé modèle. Pour autant, quelques
grands axes de réflexion particulièrement saillants
devaient se retrouver dans l’argumentation.
Les terres créoles sont filles d’un contexte bien
particulier, celui du monde colonial des XVIIème
et XVIIIème siècles, conçu d’abord
pour les besoins de la métropole (d’où la référence
constante aux normes européennes), d’économies
spéculatives et, à des stades de maturité différents
selon les lieux et les époques, sur le schéma esclavagiste
de la société d’habitation, celui enfin d’une
hiérarchisation sociale fondée sur la couleur de peau
et la suprématie du pouvoir blanc. Illustration parfaite
de ces spécificités (l’opposition maison de
maître /case servile, par exemple; la distinction qui devait
être opérée entre architecture «coloniale
» et architecture «créole»), l’habitat
créole procède d’un rapport avec l’environnement
dont il importait de mettre en place les grandes phases (la première
économie coloniale, de défrichement, puis la phase
d’organisation l’habitationplantation triomphante).
Le candidat était également susceptible de montrer
en quoi le paysage actuel pouvait encore porter la trace de ce passé
(par exemple, la forte présence des habitations-sucreries
dans le paysage rural martiniquais des années 1950 encore,
comme le montrent les cartes IGN, le poids des usines centrales
telles Beauport ou Grosse-Montagne dans la typologie de l’habitat
guadeloupéen jusque dans les années 1970; l’originalité
encore bien réelle des Hauts de La Réunion …).
Quant aux formes mêmes prises par cet habitat, il était
nécessaire de montrer que cette architecture ne naît
pas créole, mais qu’elle le devient. Le processus
est issu à la fois d’un phénomène d’adaptation
aux conditions locales, qui se traduit par d’authentiques
créations, et d’un mouvement continu d’échanges
entre des «stocks» culturels en présence marqués
par des rapports de déséquilibre permanent (position
dominante des colons / population dominée de couleur, esclaves
et affranchis, avec aux Antilles le poids supplémentaire
de l’héritage amérindien) entre des corps sociaux
qui ne cessent eux aussi d’évoluer, et surtout ne cessent
de s’influencer réciproquement. Cette évolution
ne s’opère pas suivant un rythme unique, mais témoigne
bien au contraire des avancées capricieuses de la créolisation.
Ainsi la gravure de Le Clerc sur la sucrerie antillaise (1667) montre
bien, autant pour la maison de maître que pour les cases serviles,
qu’à cette date cette créolisation ne s’est
pas encore opérée: la maison est franchement européenne,
les cases franchement africaines. C’est par le choix de matériaux
(une architecture en végétal, alors même que
la métropole coloniale a choisi de privilégier la
pierre dès le XVIIème siècle), par
les techniques de construction, par le reflet d’un certain
ordre social (dans l’habitation, le quartier servile reflète
exactement l’état de dépendance des esclaves
face au maître) que l’appartenance aux mondes créoles
va s’affirmer. Mais un autre processus était tout aussi
éclairant, celui qui fait des réalisations néo-classiques
du début du XIXème (maisons de maître
des Antilles comme Château Murat, villas de La Réunion)
des imitations de modèles extérieurs, mais en même
temps des réinterprétations originales de ces mêmes
modèles.
Au bout du compte, on aboutit aujourd’hui à la juxtaposition
de réalisations toutes créoles, mais pourtant bien
différentes entre elles, non seulement de zone à zone,
mais à l’intérieur d’une aire particulière.
Le développement attendu sur les caractères originaux
de la case rurale guadeloupéenne par rapport à son
équivalent martiniquais, ou l’inverse, trouvait ici
sa place évidente – encore fallait se poser la question
de savoir si la vision figée que nous proposent les ouvrages
d’architecture de l’opposition quasi génétique
entre les deux modèles ne tient pas un peu du stéréotype
(ce que laissent à voir les cartes postales du début
du XXème siècle, les photographies de la
fin du XIXème, qui incitent à une vision
moins manichéenne, et montrent que replacées dans
la durée les différences de matériaux et de
morphologie sont à réinterpréter plus en fonction
de niveaux sociaux que d’une opposition strictement régionale).
Il convenait tout autant, dans les dissertations, de savoir mettre
en évidence les différentes variétés
locales de la case guadeloupéenne, des paillotes et des cases
réunionnaises (Mafate, Saint-Philippe, Saint-Leu), l’écart
qui sépare l’habitat archaï que de certaines régions
longtemps isolées (Anse-Bertrand en Guadeloupe, Morne-des-Esses,
Anses-d’Arlet en Martinique, Mafate à la Réunion)
des variantes urbaines (la maison de « haut et bas »
aux Antilles, les cases du centre-ville de Saint-Denis ou de Saint-
Pierre à La Réunion) ou mêmes campagnardes (la
case à café de la côte sous le vent en Guadeloupe)
), des «grandes cases» de plantations de canne à
sucre (La Réunion), ou encore des «cases de changement
d’air» (Hell-Bourg, Cilaos ou la Plaine des Palmistes
à La Réunion). Combien peu de candidats, pour ne pas
dire aucun, ont pensé à remarquer que le vocabulaire
marque souvent avec vigueur ces différences: «kaz
», «kaz a mèt» », «
maison de haut et de bas» aux Antilles; «bann
ti kaz an pay» paillotes, «bann kaz»,
maisons, «bann gran kaz», ou «villas
», à La Réunion!
Enfin, il n’y avait pas que le rapport à la géographie
et à l’histoire qui pouvait marquer le caractère
créole de l’habitat. Usages et pratiques dans la façon
d’appréhender l’espace domestique donnent toute
sa valeur à une approche anthropologique qui permettait de
traiter le sujet dans un registre plus affectif, et d’opérer
le lien entre savoir universitaire et pratiques de la vie quotidienne.
Certains romans, La Rue Case-Nègres du Martiniquais
Zobel, Coeurs créoles du Guadeloupéen Gilbert
de Chambertrand pour la zone antillaise, sans que ces exemples n’aient
rien de limitatif, pouvaient faire le pendant à de grandes
études qu’il convenait de citer et d’utiliser
(le père Delawarde pour la Martinique, Guy Lasserre pour
la Guadeloupe, Jack Berthelot pour l’aire antillaise; Yves
Augeard pour La Réunion).
La question qui pouvait se poser en conclusion, et certains candidats
y ont pensé, était celle liée à la rencontre
de ces façons de vivre, de cette architecture avec le monde
moderne, avec en filigrane, une autre interrogation, qu’aucun,
cette fois-ci, n’a pensé à formuler ou souhaité
exprimer: si l’habitat et les modes d’habitation changent,
l’expression de la créolité peut-elle en être
affectée? Certaines copies, par leur repli craintif, voire
agressif, sur la patrimonialisation des cultures créoles,
ont montré qu’il ne s’agissait pas d’une
réflexion tout à fait anodine, raison supplémentaire
pour éviter les grandes phrases creuses … qui ont trop
souvent été la seule réponse aux problèmes
de diverse nature rencontrés dans le traitement du sujet.
Quelques commentaires sur les copies
Les candidats, manifestement, ont été confrontés
aux mêmes difficultés qu’à la session
précédente, avec le facteur aggravant que constituait
le passage de l’épreuve de civilisation de l’oral
à l’écrit.
Les erreurs les plus courantes ont d’abord porté
sur le choix des matériaux nécessaires à la
construction du devoir, et ce ne sont pas les moins préoccupantes.
Sur le fond
Certains candidats n’ont manifestement pas compris qu’il
ne s’agissait pas d’étaler leurs connaissances
à tout propos (et mal à propos), sans se préoccuper
de savoir ou non si cela correspondait au sujet à traiter.
Ainsi des copies ont cru bon de reprendre des pans entiers d’ouvrages,
détachés de toute contextualisation et de tout argumentaire;
Kaz antiyé par exemple, a été abondamment
sollicité dans la zone antillo-guyanaise (pour ne pas dire
récité), mais sans aucune mise en perspective. Il
s’agit là d’une erreur majeure, toujours sanctionnée.
A l’opposé, trop de devoirs ont fait état
de connaissances indigentes, pour ne pas dire d’une inculture
totale, d’autant plus désolante qu’elle révélait
une ignorance des réalités locales au niveau le plus
élémentaire. Les correcteurs n’ont pu s’empêcher
de s’interroger sur le contenu de certaines dissertations
conçues et rédigées en dehors de la problématique
historique et linguistique des sociétés créoles:
bann zesklav ek bann met té i antand bien. «Les
esclaves et les maîtres s’entendaient bien» (Réu.);
Bann zesklav té oblizé adopt in ot langaz:
le kréol. «Les esclaves étaient obligés
d’adopter un autre langage: le créole» (Réu.);
inversement, certains niveaux argumentaires n’ont pas dépassé
le stade du stéréotype, témoignant ainsi cruellement
de l’absence de tout travail véritablement rigoureux.
L’absence d’argumentation solide et bien documentée
a été cruellement ressentie. D’une manière
générale, les candidats n’ont pas jugé
utile d’en référer aux ouvrages historiques
et anthropologiques faisant autorité sur la question de l’habitation
et de l’habitat à la Réunion, dans l’Océan
Indien et les Caraïbes, y compris à des manuels scolaires
d’histoire et géographie (par exemple pour la zone
Antilles-Guyane aux deux manuels publiés chez Hatier). Cette
prudence élémentaire les aurait conduits à
appréhender de manière plus sérieuse les réalités
contenues dans les termes créoles bitassion, tabissman,
lïzine, plantaz (Réu.), kaz bitasyion,
lisin (Ant..), et, plus largement, à montrer
qu’ils possédaient la culture qu’ils espéraient
enseigner …
Les candidats ont intérêt à se persuader qu’une
épreuve de civilisation implique presque toujours une composante
historique. Or dans trop de copies les références
à l’histoire ont été quasi inexistantes,
ou alors traitées avec des approximations qui en disent long
sur l’ignorance de celui ou de celle qui compose. Ignorance
générale d’abord, inacceptable pour quelqu’un
qui représentera le savoir en face de ses élèves:
les colons débarquent aux Antilles françaises au XVIème
siècle, Victor Hugues, l’envoyé de la Convention
en Guadeloupe (1794), fonde la Société Anonyme des
usines de Beauport (création du XXème siècle
…), les Blancs créoles des Antilles sont partis se
réfugier en Amérique pendant la Seconde Guerre mondiale
(évidente confusion avec l’émigration liée
aux événements révolutionnaires consécutifs
à la Révolution française de 1789), assertions
d’autant plus gênantes qu’elles sont non seulement
complètement fausses mais, pour certaines, hors sujet.
Ignorance des rapports avec l’histoire de la question au
programme ensuite – ce qui vaut par exemple cette affirmation
pour le moins surprenante que les maîtres laissaient les esclaves
construire à leur guise les cases du quartier servile. Une
autre erreur, récurrente dans les copies rédigées
en créole guadeloupéen, a consisté à
confondre case en tôle et case «traditionnelle»,
au mépris des photographies de la fin du XIXème
siècle qui montrent bien que c’est la case en bois
et en paille (une biguine bien connue aurait pu aider les hésitants:
«lari Zabim té ni on vié madanm, vié
madanm la té ni on kaz an pay»). Un minimum de connaissances
sur la révolution industrielle aurait par ailleurs évité
à certaines dissertations des anachronismes patents (la case
en tôle représentative des campagnes antillaises du
XVIIème siècle; la «maison Zévallos»,
au Moule, exemple d’architecture industrielle qui date de
la fin du XIXème siècle, n’a pu évidemment
servir de modèle aux maisons de maître en Guadeloupe,
qui lui sont bien antérieures...). Que les candidats ne s’y
méprennent pas: il ne s’agit pas pour le jury d’établir
un interminable sottisier, mais plutôt de souligner ce qu’implique
comme méconnaissance grave des mécanismes constitutifs
des civilisations créoles telle erreur en apparence de détail.
Inversement, et les résultats ne sont pas plus satisfaisants,
l’histoire a pu être utilisée de manière
mécanique, sans que le rapport avec le sujet ait été
posé, avec des développements pesants, inutiles, d’autant
plus pénalisants pour la prestation qu’ils se sont
souvent accompagnés d’erreurs et de fâcheux contresens.
Si les connaissances historiques ne sont pas maîtrisées,
le rapport à la géographie, ou avec l’espace,
n’est plus concluant, ni au niveau des liens que l’habitat
créole entretient avec certains types de sites, ni, sur un
plan plus général, avec les différentes aires
créoles. Sans même parler d’une absence de comparaison
inter-zones (Antilles/La Réunion, et à l’intérieur
de l’ensemble antillais Guadeloupe/Martinique), qui au demeurant
n’a jamais été sanctionnée par le jury,
il convient de souligner à quel point les copies n’ont
guère tenté de sortir d’une zone donnée,
identifiant ainsi de manière quasi systématique culture
régionale et culture de proximité. Or les comparaisons
avec une autre réalité sont absolument indispensables
pour éviter d’ériger en norme ce qui n’est
valable qu’en un seul lieu. Si Marie-Galante était
manifestement une terre familière au rédacteur ou
à la rédactrice d’une copie, le reste du monde
antillais lui restait parfaitement inconnu – à moins
de penser que Marie-Galante en soit l’incarnation absolue
(pourquoi pas, si seulement la question avait été
posée, et avait reçu une réponse argumentée).
Les risques d’enfermement, déjà soulignés,
sont ici multipliés, avec leur rançon d’appauvrissement
de la pensée, sans oublier ce que peut impliquer in fine
dans le rapport avec les autres le fait de se considérer
comme la référence unique et absolue.
Quant à la dimension anthropologique, si importante dans
ce sujet, on ne peut dire qu’elle se soit particulièrement
manifestée dans les copies de la zone Antilles-Guyane. Trop
souvent ces dernières se sont contentées de connaissances
théoriques mal assimilées, et utilisées sans
aucun rapport avec le sujet (les développements consacrés
aux travaux de Charles Wagley sur l’Amérique des plantations
ont bien montré, par exemple, tout ce qui sépare le
«par cœur» de connaissances dominées). On
regrettera beaucoup l’incapacité de la plupart des
candidats traitant de thématiques antillaises à puiser
dans leur propre vécu (chansons ….), ou dans un vécu
encore proche (rites accompagnant la construction des cases rurales),
pour rendre plus sensible une culture savante qu’ils peuvent
posséder mais qu’ils exploitent peu ou mal, et qu’ils
utilisent, dans le meilleur des cas, dans une optique strictement
monodisciplinaire, alors même que ce sont justement ces mariages
interdisciplinaires qui ont fait le prix des meilleures copies que
le jury a eu à corriger. Les devoirs à orientation
historique n’ont quasiment jamais pensé à utiliser
les romans comme source d’information; les copies tournées
vers l’anthropologie n’ont eu que trop tendance à
complètement passer sous silence les liens avec l’histoire,
non par volonté expresse, mais manifestement par ignorance
totale que la question pouvait, et devait, être posée.
Une autre catégorie d’erreurs relève plutôt
de la manière dont ces matériaux ont été
utilisés. On soulignera plus spécialement les points
suivants :
Une dissertation obéit à un certain nombre de règles
formelles, normalement déjà connues des candidats,
et qui ont été rappelées dans le rapport de
2002. Force a été de constater les mêmes maladresses
au niveau de l’agencement des idées, les mêmes
tendances à négliger l’obligation absolue de
rédiger suivant un plan, et donc suivant une problématique
explicite. Trop souvent la description cumulative a remplacé
l’analyse, alors même que les descriptions attendues
et nécessaires, en particulier dans le domaine architectural,
ont brillé par leur absence, ou par leur indigence. Il est
très clairement apparu que sur un sujet de ce type, qui demandait
l’identification claire de catégories (anciennes cases
serviles/maisons de haut et de bas/maisons de maître; cases
rurales actuelles/cases ou maisons urbaines pour les Antilles;«
ti kaz an pay, gran kaz, la kaz »/case/villa/maison,
pour La Réunion), les explications sont généralement
restées confuses et superficielles, faute de cadre réflexif,
ce qui aurait évité ces résumés hâtifs
de l’histoire ethnique et sociale de la région concernée,
sans que le rapport au sujet n’ait jamais été
mis en évidence, sans que la relation entre architecture
et société ait été démontrée,
faute aussi de connaissances précises et rigoureuses. Dans
certaines copies, la «maison de maître» antillaise
a fait l’objet d’explications particulièrement
surprenantes quand la question du ou des styles a été
abordée (bien trop rarement hélas) : l’influence
anglaise été ainsi jugée décisive pour
la Martinique et la Guadeloupe, sans que cette affirmation ait été
étayée par le moindre argument (et pour cause …).
Mais il faut bien dire que les connaissances sur les origines de
la case sont tout aussi floues, avec l’incapacité manifeste
de certains devoirs de la zone antillo-guyanaise de distinguer entre
la case servile et la case rurale actuelle ou récente –
ce qui implique, on voudra bien s’en convaincre, une vision
des civilisations créoles parfaitement fixiste et fort peu
convaincante.
L’attention des candidats est particulièrement attirée
sur les inconvénients majeurs qu’entraîne une
absence de réflexion sur le sens des termes qu’ils
emploient. Pas plus en créole qu’en français
«colons» et «colonialistes» ne sont synonymes,
et il est pour le moins regrettable qu’un tel contresens,
bien révélateur de sérieuses lacunes en culture
générale, ait pu se trouver dans une copie de CAPES.
Nombre de termes fondamentaux pour la compréhension des civilisations
créole, tels que «béké»,
«blancs-pays», «milat»
(Ant.), ont été utilisés sans autre
forme de commentaire, comme si la connivence culturelle postulée
avec le jury avait rendu toute explication superflue. La remarque
vaut pour deux expressions récurrentes sous la plume de nombreux
candidats (zone Antilles-Guyane), tantôt comme synonymes,
tantôt comme antonymes, mais sans que jamais leur sens ne
soit précisé. Ainsi, si certains d’entre eux
ont vaguement donné l’impression que «kaz kolonial»
et «kaz kréyol» (Ant.) n’étaient
pas interchangeables, aucun n’a abordé explicitement
cette question, qui était pourtant capitale. Enfin des termes
comme «ajoupa», «maison de maître»
(et ses déclinaisons antillaises de «grand’case»,
«maison à demeurer», «maison
principale») et même «case»,
terme polysémique par excellence, ont été eux
aussi employés comme si leur signification était d’une
évidence absolue.
Sur l’articulation du fond et de la forme
Les remarques qui suivent ont pour but d’aiguiser la vigilance
des candidats sur la forme et la qualité de l’expression
langagière pour une épreuve dont le précédent
rapport avait déjà souligné le poids et la
difficulté. Même si certaines copies témoignent,
sur ce point, d’un effort auquel les correcteurs ont été
sensibles, un trop grand nombre d’entre elles donnent encore
le sentiment que leur auteur n’a jamais réfléchi
à la question du transfert des compétences de l’oral
à l’écrit. L’usage d’une ponctuation
cohérente et organisée n’a pas fait l’objet
d’une considération suffisante dans les dissertations.
Le sujet de civilisation faisait appel à des connaissances
historiques dont le traitement exigeait un bon maniement des formes
temporelles créoles. Pourquoi privilégieralors l’emploi
exclusif du présent? «Ariv 1636 i partaz la ter»
- «Dès 1636, on procède au partage des terres»
(Réu). Trop de copies persistent à ignorer
les contraintes liées aux différents registres stylistiques:
in ta nafer la sanzé «Beaucoup de choses ont
changé», ziska 1848 zot i bat dober si bann zesklav
«jusqu’en 1848, ils exploitent les esclaves»,
pou fini ek sa «pour conclure» (Réu).
S’agissant de la graphie, on a pu relever certaines incohérences,
comme par exemple le fait d’écrire «habitacion»
dans une rédaction où coexistent écriture étymologique
et écriture phonétique. Nous renvoyons sur ce point
aux recommandations de cohérence graphique développées
dans le rapport 2002.
De manière générale, l’articulation
des connaissances requises à l’organisation argumentaire
et au développement rhétorique s’est révélée
à cette session, comme l’une des difficultés
majeures à laquelle a été confrontée
la plupart des candidats. La démonstration, l’explication,
l’explicitation, l’illustration: autant d’opérations
appelées par le libellé du sujet autour de la qualification
de «créole» devaient être rendues dans
l’organisation du devoir et le déroulement de la pensée.
Il serait bien misérabiliste et en même temps contraire
aux réalités des vécus créoles que de
laisser penser que le discours créole exclut «par nature»
toute dimension analytique et explicative pour n’être
en mesure que de narrer, décrire, illustrer par l’exemple.
Outre ces procédés, il existe dans les langues créoles
des procédures démonstratives et rhétoriques
propres qui leur permettent de répondre au «comment?»
de la problématique: on pense ici au « kou mannyè?»
( Mart.), «ki jan fè?» (Guad.) qui,
entre autres locutions, expriment bien les prémices de l’interrogation
analytique créole. On encourage le candidat à rechercher
et trouver, dans sa culture et dans sa langue, les formes les plus
adaptées au développement d’un discours savant
problématisé et articulé sur des connaissances.
Dans la plupart des copies, malheureusement, l’évitement
de l’analyse, déjà stigmatisé supra,
a été le refuge le plus commode, au profit d’une
juxtaposition de constats entrecoupés de gloses venues de
lectures savantes mal digérées. Il en résulte,
au plan purement formel, des incorrections qui se rapportent à
- des constructions syntaxiques calquées du français:
c’est le résultat hybride et fort peu agréable
à l’oreille
(encore moins à l’écrit) d’une rhétorique
créole peu créative et peu adéquate. Nous
avons ainsi relevé: «Sé adan
kontèks tala an mizi an mizi kay
parèt plizyè mannyè rété ek
bitasyon kréyòl » (Mart.);
«… Sa ki ka kalifyé’y
di kréyòl, sé sirtou éritaj listwa
a » (Mart.); «Nou ka kalifyé
ankò jodi a sèten labita épi kay dè
kréyòl» (Mart.); «Té
ni an pèp ki té
ka kriyé Karayib», etc. Il importe de
rappeler ici la nécessité du travail régulier
et soutenu qui seul permet de parvenir à une expression
écrite de qualité en créole, qui évite
de recourir à ces calques systématiques: «listoir
lé é la été inportan pou la Rénion,
sa la permis a elle konstruir son lavenir, fer évolué
lo péi li minm. I less rant bann zoland” (Réu).
Ces calques malheureux, quand ils parviennent à éviter
les constructions syntaxiques les plus lourdes, se retrouvent
plus couramment dans le lexique. On était en droit d’espérer
mieux que des formules du genre: «istorikman déterminé»,
«lenstitisyon totalitè», «imajinè
kolèktif la», «sitiyasyon sosyo-istorik
la», «kaz servil», «strikti
ki mikst», «on sosyété binè»
(Antilles) autant de formulations qui, pour avoir l’avantage
de la transparence du sens pour un francophone, n’apparaissent
pas comme résultant d’aucun travail particulier sur
la langue.
- des créolisations phonologiques (et par suite graphiques)
apparemment évidentes ou faciles qui ont produit des écarts
de sens dans la langue écrite auxquels n’ont pas
été attentifs bon nombre de candidats. Ainsi, pouvait-on
certifier que le mot «labita», en réalité
peu usuel dans les créoles antillo-guyanais, était
bien le terme le plus pertinent pour «habitat».
Nombre de candidats ne se sont pas interrogés non plus
sur les différents usages du mot créole antillais
«bitasyon» (habitation, campagne, terres
mises en cultures), sur le glissement de sens qu’a subi
le terme du français des îles du XVIIème
siècle («habitation») au créole contemporain
(«bitasyon»), et donc sur les meilleures utilisations
possibles du mot selon l’usage et le contexte. A l’inverse,
quoique le jury n’ait pas, en matière de néologie,
de règle à imposer, on ne saurait trop recommander
aux candidats de recourir de préférence, dans ce
type d’exercice académique et impersonnel qu’est
la dissertation, à des termes attestés par l’usage
populaire général (ex: esklav) plutôt
qu’à des mots non reconnus dans le langage courant
dont l’emploi pourrait être en outre contesté
(ex: djouk qui est surtout connu des locuteurs créolophones
pour être un coup porté en pointe).
Enfin, on a malheureusement revu dans les copies de dissertation
créole de la session 2003 la plupart des erreurs déjà
épinglées par le rapport 2002. Signalons quelques-unes
de ces erreurs élémentaires d’opérateurs
syntaxiques en créole qui ne sauraient persister dans un
concours de ce niveau : ainsi, la gallicisation des déterminants
… «lé
nèg
la» pour sé nèg la; «dé
abita» calque de «des habitats» (Ant.);
ou encore l’usage de la forme passive: «tè
bati » pour «terre battue» (Ant.).
En revanche, saluons un certain effort des candidats de cette session
pour restreindre l’emploi des relatifs explicites empruntés
du français et leur préférer des formes plus
traditionnelles en créole.
Traduction
Le texte proposé était le suivant:
Par la pensée analogique
et symbolique, par l’illumination lointaine de
l’image médiatrice, et par le jeu de ses
correspondances, sur mille chaînes de réactions
et d’associations étrangères, par
la grâce enfin d’un langage où se
transmet le mouvement même de l’Être,
le poète s’investit d’une surréalité
qui ne peut être celle de la science. Est-il chez
l’homme plus saisissante dialectique et qui de
l’homme engage plus? Lorsque les philosophes eux-mêmes
désertent le seuil métaphysique, il advient
au poète de relever là le métaphysicien;
et c’est la poésie alors, non la philosophie,
qui se révèle la vraie «fille de
l’étonnement», selon l’expression
du philosophe antique à qui elle fut le plus
suspecte.
Mais plus que mode de connaissance,
la poésie est d’abord mode de vie —
et de vie intégrale. Le poète existait
dans l’homme des cavernes, il existera dans l’homme
des âges atomiques: parce qu’il est part
irréductible de l’homme. De l’exigence
poétique, exigence spirituelle, sont nées
les religions elles-mêmes, et par la grâce
poétique, l’étincelle du divin vit
à jamais dans le silex humain. Quand les mythologies
s’effondrent, c’est dans la poésie
que trouve refuge le divin; peut-être même
son relais. Et jusque dans l’ordre social et l’immédiat
humain, quand les Porteuses de pain de l’antique
cortège cèdent le pas aux Porteuses de
flambeaux, c’est à l’imagination
poétique que s’allume encore la haute passion
des peuples en quête de clarté.
Saint-John Perse, «Poésie»,
Allocution au Banquet Nobel, Œuvre complètes,
Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
1961. |
|
Contextualisation du texte, considérations générales
Recevant publiquement le 10 décembre 1960 le prix Nobel
de littérature, Saint John Perse prend le temps de gratifier
l’assemblée de sa réflexion sur l’activité
artistique qui justifie sa présence à Stockholm: «J’ai
accepté pour la poésie l’hommage qui lui est
ici rendu, et que j’ai hâte de lui restituer».
Inscrivant son propos au-delà d’une simple dissertation
esthétique, convoquant allusivement quelques échos
de l’actualité mondiale, le poète guadeloupéen
entame un véritable éloge à la poésie,
reposant sur un parallèle hardi entre l’art et la science,
leurs démarches, leurs procédures et leurs modes d’investigation.
Refusant l’allocution de circonstance, Saint John Perse trouve
les accents du plaidoyer pour souligner en quoi la poésie
permet à l’esprit humain d’accéder à
une surréalité, à laquelle la philosophie pas
plus que la science n’a su parvenir, mais qui est la source
même du divin. Les deux paragraphes soumis à la traduction
interviennent au coeur de ce Discours du Banquet Nobel, comme le
temps fort, la thèse du récipiendaire sur
le rôle vital assigné à cet art majeur en ce
XXème siècle incertain.
Les candidats à l’épreuve de traduction étaient
par conséquent placés devant un texte abstrait, (ce
qui n’exclut pas une visée argumentative immédiate),
de grande facture stylistique, exigeant une lecture minutieuse et
présentant de nombreuses subtilités conceptuelles.
Saint John Perse ne pouvait pas être inconnu des candidats
au Capes de langue et culture créoles. Non seulement parce
qu’il s’agit d’un des rares poètes français
à avoir reçu le Prix Nobel, non seulement parce qu’il
est né et qu’il a passé les douze premières
années de sa vie en Guadeloupe, mais aussi parce que divers
biographes et exégètes ont souligné la place
occupée et la fonction jouée par le créole,
pratiqué dans l’enfance du poète dans son écriture.
Au lieu donc de partir instantanément à la recherche
du rendu le plus basilectal en langue d’arrivée, il
valait mieux se poser soigneusement la question de la compréhension
globale du texte initial et de l’identification du genre et
du contexte pragmatique afin de choisir une stratégie, un
ton, une tonalité, pour tenter aussi d’atteindre le
registre solennel, si cher à l’auteur d’Eloges.
Qu’on l’appréhende dans sa typologie rhétorique
(discours académique prononcé dans des circonstances
extrêmement cérémonielles), au plan syntaxique
(phrases longues, rythmées par des anaphores complexes et
une ponctuation savante), ou au niveau lexical (vocabulaire fourmillant
de connotations, d’allusions, de métaphores), l’extrait
réclamait une extrême minutie dès la première
approche. Répétons, après le rapport du Concours
2002, que, devant ce type d’exercice, le candidat est évalué
premièrement à l’aune de sa capacité
à prouver qu’il a compris un texte dans la langue de
départ, ici le français et à en rendre un équivalent
en créole. Dans un deuxième temps, il convient de
sérier les difficultés, en faisant primer le rendu
global et dénotatif sur les effets et les points de détails.
Enfin, s’agissant de la parole d’un immense poète,
né en pays créole, traducteur lui-même d’œuvres
d’auteurs antiques, le jury pouvait espérer une version
créole évitant les attributs stylistiques relevant
de la langue de bois ou du lieu commun.
D’une façon générale, les performances
de traduction des candidats ont été bien inférieures
à celles du concours 2002. Cela s’explique évidemment
par les difficultés inhérentes au sujet signalées
plus haut, mais le jury tient à marquer aussi le constat
d’une préparation insuffisante ou mal équilibrée.
La multiplication des erreurs de traduction provient en premier
lieu d’un défaut de positionnement du candidat entre
les deux langues. Il semble que le contrôle supposé
des deux codes pousse globalement les candidats à minorer
la partie compréhension française, et ensuite
à sous-estimer la partie écriture créole
du travail. Soit on «comprend» a minima ou par défaut,
soit on rédige à l’économie, soit on
surtraduit en plaçant dans le texte d’arrivée
des formes «emblématiques» que l’on tenait
à placer à tout prix. Soit on combine plusieurs de
ces options, ce qui rajoute au sentiment de disparate que peut éprouver
le lecteur. Si bien que le correcteur ne retrouve plus la pensée
d’un écrivain dans sa cohérence mais l’expression
maladroite d’une transposition pauvre ou la réécriture
enflammée et militante d’une idéologie compensatoire.
L’épreuve de traduction du concours de recrutement
des professeurs ne peut pas se transformer en une vitrine d’exposition
des dernières trouvailles d’une activité néologique
fondée prioritairement sur la déviance par rapport
au français, langue de départ de cet exercice de traduction,
ne l’oublions pas.
Une fois le texte lu et compris, il convenait donc d’aborder
l’étape du repérage des difficultés et
des choix. Il n’est pas simple de trouver l’équivalent
dans une langue à tradition orale, du ton de ce discours
littéraire fourmillant de clins d’œil et de références
à l’histoire de la pensée occidentale. Les candidats
devaient donc vite réaliser la nature du risque encouru à
vouloir opérer des transpositions terme à terme, et
opter assez vite pour un redécoupage du texte et une recherche
d’unités syntaxiques et sémantiques pertinentes
du point de vue de la cohérence et de la cohésion
des textes déjà rencontrés en créole,
ce qu’on pourrait appeler les formes analogiques de la
déclamation créole.
Le rapport 2002 n’avait pas souhaité inclure de propositions
de traduction complète susceptibles d’être confondues
avec des corrigés dispensateurs de normes. Le jury se contentait
de relever et de classer les principales erreurs commises en les
illustrant par des extraits tirés des copies. Bien des remarques
faites à ce propos demeurent malheureusement valables et
décrivent bien les copies du concours 2003. Un rapport de
jury ne pouvant être confondu avec un traité ou un
manuel méthodologique, il appartient aux candidats de se
doter des outils nécessaires. Nous suggérons néanmoins
l’examen du relevé de difficultés qui suit,
constitué d’items qui ont particulièrement retenu
l’attention des correcteurs.
Difficultés lexicales
«Philosophe» – «philosophie», «poète»
– «poésie», «métaphysique»
– «métaphysicien»: que faire devant ces
termes qui n’existent pas dans leur extension classique (et
pour cause) dans le créole traditionnel? La tentation serait
grande de les traduire par des périphrases, des néologismes.
Par ailleurs, ils sont dans ce texte dotés d’une telle
dénotation que l’option de la créolisation de
la forme phonétique/graphique n’était pas non
plus à exclure a priori. Ainsi la correction n’a pas
disqualifié pour les créoles antillais et guyanais
les mots «powèt» ou «poet»
«filozof» voire même «métafizisien»
quand le choix du traducteur se justifiait sur l’étendue
de la phrase. Encore que des constructions comme «met
filozof», «mèt powèt»
ou «mèt a lé-mo» peuvent paraître
très acceptables, et sans doute préférables
à «mèt a pawol» ou a «mèt
a lidé» qui renverraient à des désignations
trop floues. D’autres concepts comme «la métaphysique
», «la surréalité» semblaient pouvoir
être rendus en créole par des équivalents conceptuels:
l’affixe la qui dans le créole populaire parlé
«classique» a valeur allégorique y recourt couramment.
Ainsi «lavérité» (en un seul
mot) était une traduction acceptable du concept de métaphysique;
«lakonésans» a été accepté
pour rendre l’idée de surréalité. Côté
réunionnais, on a pu relever «par le kalou la poézi»
(par la grâce poétique?), «pèlmélaz»
pour «associations», «i sort déor»
pour «étrangères», ou «mil kanal»
pour «mille chaînes». Ces choix nous semblent
refléter un manque d’attention au registre global du
lexique de départ.
De même «la pensée analogique» nous a
semblé pouvoir être traduite sans risquer de trop grandes
dérivations du sens par l’idée de «palé
an parabol» expressions bien connues du référentiel
des «maitres-devineurs» dont le devisement et les sentences
en langage méta-philosophique est bien connu dans l’univers
culturel créole. Beaucoup ont eu des difficultés à
traduire «l’homme des cavernes» et ont choisi
une traduction littérale. Il convenait de se souvenir que
le lexique créole dispose pour rendre les temps anciens d’une
panoplie d’expressions qui pouvaient s’insérer
ici sans trahir l’idée initiale. Des expressions comme
«An tan diab té ti gason …» ,
«An tan nonm té ka rédi kalpat, «Dépi
nanni nanan» étaient tout à fait acceptables
et conformes au sens initial.
Pour d’autres termes apparemment plus usuels comme «l’étonnement»
mais ici traversé par la sémantique de l’étymologie,
la traduction par un équivalent apparent pouvait se révéler
un faux ami: ainsi le mot estèbèkwè (Mart./Guad.
= stupéfaction) auquel beaucoup ont naturellement songé,
connote trop précisément l’ébahissement
un peu stupide, pour rendre avec exactitude l’idée
de l’étonnement philosophique. Une créolisation
hâtive pouvait être aussi hasardeuse; on risquait le
barbarisme ou le gallicisme (ex: «létonman»).
Dans ce cas précis, le recours à une périphrase
ou une composition (par exemple: «rété gadé»)
était préférable.
«Part irréductible de l’homme»: plusieurs
rendus étaient possibles. Nous avons d’ailleurs relevé
quelques traductions heureuses. Ainsi: «I an nannan an
nonm la menm» (Guad.) ou dans le même esprit «I
an tchè koko moun» (Mart.). De même avons-nous
pu juger heureux d’avoir traduit «exigence spirituelle»
par «fos(a) lespri».
Ainsi, pour «l’illumination lointaine de l’image
médiatrice», on attendait un autre choix que «an
kléré lwenten limaj médyatris la»
(Mart.) Non seulement, le recours au mot à mot, «est
le refuge ultime du traducteur qui ressent ses limites au plan des
compétences linguistiques et littéraires» ainsi
que le disait le rapport 2002 (p. 13), mais encore il peut amener
le candidat au faux-sens, au contresens, ou pire au «charabia»
évidemment plus disqualifiant qu’une traduction approchée
de l’idée.
Difficultés syntaxiques
La première phrase offrait un exemple de ce type de difficultés
que l’on pouvait contourner soit en rétablissant le
sujet (le poète) en début de phrase, soit en tentant
de conserver la structure prosodique de la phrase source. Une proposition
possible aurait été de rendre la construction initiée
avec la préposition «par» grâce à
une construction classique en Guadeloupe «Sékon»
ou en Martinique «ansanm», dont la répétition
s’accorde parfaitement au style déclamatoire du texte.
Ex possible: Sékon menm i palé an senbol é
parabol; sékon menm on zétwal soti an bout a syèl
vini poté bel mo pou lidé ki travèsé
tèt a’y; épi tout jékwaré a on
tcholé bèl mo bel lidé akolé mayé
ansanm; sékon menm, poulosdonk, lagras ba’y pasaj pou
i pé sa di tousa ki vérité, mèt-a-lémo
viré lasyans do pou rantré adidan lakonésans
an plen.
La séquence «[les philosophes] désertent le
seuil métaphysique» pouvait aussi être diversement
rendue, en créole antillais: «kouri douvan lavérité»,
«mandé lavérité padon»,
«kayé …» ou d’autres images
du même type. En tout cas la forme verbale réunionnaise
«i guingn la zèl», ou encore une phrase
réunionnaise comme «kan lo bann filozof zot mèm
i lès tonbé la métafizik» ont semblé
un peu pauvres.
Par ailleurs, nous avons pu trouver pour «C’est à
l’imagination poétique que s’allume encore la
haute passion des peuples en quête de clarté»
… «Sé épi limajinasyon poétik
éti ka limer pasion wo a di sé pèp la ka chèché
limyé ». On a pu également traduire le
passage «… selon l’expression du philosophe antique
à qui elle fut le plus suspecte» «par le mot
à mot suivant: «silon pawol filozof la ki ka touvé’y
pli sispè a» ou plus incompréhensible encore:
«le poète existait dans l’homme des cavernes,
il existera dans l’homme des âges atomiques» par
«Dépi lè’y té ka viv kon bèt
nan twou sé gran mon-lan ek ké toujou ni an powèt
ka viv andidan tchè sé tala ki ké viv épi
sé atonm la» … autant de phrases types qui,
en voulant épouser fidèlement le texte, finissent
par ne rendre ni la structure de la phrase française ni l’idée
initiale.
Quelques exemples de problèmes de traduction dans des copies
réunionnaises sont étudiés plus bas:
Dans certains cas, le texte d'arrivée n'a plus rien à
voir avec le texte source:
- "Est-il chez l'homme plus saisissante dialectique et qui
de l'homme engage plus?" / "kisa i koné in
ot sobatkoz i bliz plis ke sa demoun mèt anlèr son
fonnkèr ?"
- "de l'exigence poétique" / "akoz la
poétik i rod le fion".
Quant au registre, on pourra noter les exemples suivants qui laissent
songeur:
- "Quand les philosophes désertent la métaphysique"
/ "kan lo bann filozof zot mèm i lès tonbé
la métafizik".
- "parce qu'il est part irréductible de l'homme"
/ "li lé dann fièl lo boug"
- "Quand les mythologies s'effondrent" / "kan
zistoir lontan na pi léfé"
Afin d'illustrer les erreurs liées à la correction
grammaticale, l'on citera les exemples suivants:
- "èl té i lé": introduction
d'un indice verbal au niveau du verbe copule.
- "par la pensée": "travèr le
majinasion"
- "sirtou do viv lo pli posib": emploi de
la préposition devant le verbe
- "i bat karé pi": position de la négation
Options
Anglais : Commentaire dirigé
en langue étrangère
Comme cela a été indiqué dans le rapport
sur la session 2002, l’épreuve — un commentaire
dirigé en langue étrangère d'un texte littéraire
ou de civilisation se rapportant au programme (durée: cinq
heures; coefficient 1) — exige, non seulement une connaissance
de l'oeuvre, mais aussi une réelle maîtrise de l’expression
écrite en anglais et des compétences méthodologiques:
d'analyse littéraire, pour ce qui est de la session 2003
spécifiquement, et d'organisation en ce qui concerne le commentaire.
Il est rappelé aux futurs candidats que l'acquisition de
ces compétences ne peut s'improviser et qu'elle doit se faire
par un entraînement régulier tout au long du cursus
universitaire de premier et deuxième cycles.
Notre propos ici ne sera pas de donner un corrigé type
(à cet égard, consulter le rapport de Capes externe
d’anglais de la session 2003) mais de présenter des
observations qui s’appuient sur les copies des treize candidats
(contre douze en 2002) ayant présenté cette option
à la session 2003 du Capes de Créole, remarques qui
visent à guider les futurs candidats pendant leur préparation.
Connaissance de l’oeuvre
Comme l' oeuvre proposée, A midsummer night's dream,
était relativement brève, on aurait pu s'attendre
à ce que les candidats en aient une connaissance satisfaisante,
ce qui était tout à fait possible s'ils avaient lu
cette pièce de la fin du seizième siècle en
s'appuyant sur l'aide lexicale de l'édition préconisée.
Le jury a encore constaté en 2003 que trop peu de candidats
semblaient avoir réellement lu l'œuvre et donc compris
ne fût-ce que la trame événementielle, d'où
de nombreux contresens sur la nature de l'intrigue amoureuse, une
confusion entre les personnages de Helena et Hermia, une référence
au personnage masculin de Lysander qui indique que le candidat croyait
qu'il s'agissait d'une femme, l'ignorance du fait que dans le passage
à étudier les spectateurs savent que les personnages
masculins sont sous l'influence d'un philtre, l'attribution —
totalement erronée — à Lysander d'un rôle
de manipulateur de l'ensemble de la situation décrite dans
le passage proposé aux candidats...
La consigne du sujet du concours 2003, comme celle de 2002, invitait
les candidats à faire entre autres un va-et-vient entre le
passage proposé et des parties antérieures de l'œuvre,
ce qui était de toute évidence impossible pour plusieurs
candidats dont la connaissance de l'œuvre se limitait à
leur lecture des pages du sujet (lecture souvent défaillante,
d'ailleurs, faute, pour le candidat, d'avoir exploré la langue
de Shakespeare). On rappelle avec insistance aux candidats que le
commentaire composé en langue anglaise ne porte pas sur un
sujet hors programme, et que seule la lecture et l'étude
des œuvre au programme permettra au candidat de contextualiser
le passage proposé et de le mettre en perspective convenablement.
Faute de quoi, de trop nombreux candidats en étaient encore
cette année réduits à une paraphrase maladroite
du passage proposé ou à un collage de citations qui
ne pouvaient tenir lieu d'analyse.
Nous ne pouvons que conseiller encore une fois aux futurs candidats
de se familiariser avec l’œuvre au programme dès
que possible avant le début des cours et d’en faire
ensuite plusieurs lectures à différents niveaux, afin
d’en appréhender toutes les dimensions.
Remarques d’ordre linguistique
Le jury avait déjà indiqué dans le rapport
sur la session 2002 que le commentaire de texte en langue étrangère
nécessitait, outre une bonne connaissance de l'œuvre
et une réelle compréhension du passage à commenter,
une expression écrite non seulement grammaticalement correcte
mais aussi adaptée, du point de vue stylistique et rhétorique,
à l'exercice. Nombreuses étaient, malheureusement,
les copies dans lesquelles la qualité de l'expression en
anglais fut jugée insuffisante.
Le jury a encore constaté en 2003 que, dans certaines copies
l'expression écrite ne permettait nullement au candidat de
développer — voire tout simplement de formuler —
ses idées, et souligne donc l'intérêt qu'ont
les candidats à l'option anglais à améliorer
la qualité de leur expression en anglais, là aussi
par une pratique régulière et une correction de leurs
productions.
Lexique
Cette épreuve nécessite, comme il a été
rappelé à propos de la session 2002, un certain registre
qui ne peut se limiter à un vocabulaire élémentaire
usuel d’anglais. Il faut savoir manier plusieurs champs lexicaux
dont celui de l’argumentation (qui comprend le débat
d'idées, la présentation d'une interprétation
etc., ce qui fait appel aux connecteurs logiques rhétoriques)
et celui qui convient au type d’analyse approprié (littéraire
dans le cas présent, éventuellement de civilisation).
Trop souvent le lexique (et donc les concepts) de l'appareil critique
est absent des copies alors que, dans certains cas le candidat manie
des concepts mieux adaptés à la fiction (narrative
agency, reader...) qu'au théâtre, ce qui est certes
un moindre mal.
Par ailleurs, le jury a trop souvent lu des termes calqués
sur le français voire tout simplement du français
(*franc; *trocking; *didascalie; *paradoxal;
*comparaison...), sans parler d'une orthographe souvent
défaillante (*fieries; *rethorical; *writting;
*pationate; la confusion for / four; *mithology;
*Orphée...), ou alors carrément de barbarismes
(*ill-banned; *aparedly; this *assert;
not *awared of...).
Syntaxe
Outre les calques de structure (cf. *if I can say it so)
qui témoignent d’une incapacité à réfléchir
dans la langue cible et d’un manque d’authenticité,
défaillances déjà signalées dans le
rapport de l'an dernier, les correcteurs ont souvent trouvé
des structures aberrantes (cf. *this is what Lysander makes
allusion when he says...; *what they [Ø] aware is going on;
*she asks explanations to Lysander; *this way of write plays...).
Dans les deux cas ces carences découlent d'un manque d’entraînement
régulier. Là aussi la pratique de la production écrite
soutenue et de la lecture s'impose au candidat qui veut éviter
de tels écueils.
Morphologie
Un nombre élevé d’erreurs morphologiques dans
une copie est un autre indicateur de compétences linguistiques
d'une fiabilité insuffisante. Nombreuses étaient les
copies dans lesquelles on pouvait constater des défaillances
«classiques» de ce type: formes du génitif (*of
it writer; the fieries [sic] intervention), de la détermination
nominale (*in the verse 169), de la morphologie verbale
(«s» de la 3ème personne du singulier
déplacé ou indû (*he do loves her; *he do
believes; *they wants), du participe passé (*who
has ask; *his power is showed; *they are awaken), ce dernier
parfois employé avec un accord «inventé»
avec le nombre du sujet (* they are seens [sic]), sans
oublier les utilisations abusives des tenses, des modalités
et des aspects.
C'est encore par la pratique de l'expression écrite que
les candidats pourront éliminer ces erreurs souvent élémentaires.
Remarques d’ordre méthodologique
Dans l'ensemble, les candidats semblent avoir mieux compris qu'en
2002 la nécessité de structurer leur propos et d'établir
un plan, même si, dans bien des copies, ce dernier n'a pas
permis au candidat de cibler une problématique pertinente
(souvent faute d'une connaissance suffisante de l'œuvre, cf.
supra). Malgré la présence d'un plan, nombre
de démonstrations partent d'une introduction trop générale
ou sommaire pour passer par un développement mécanique
ou statique avant d'arriver à une conclusion répétitive
ou d'une grande banalité.
S'agissant d'un passage dans lequel Shakespeare mélange
différents styles et effets rhétoriques, le commentaire
aurait dû prendre en compte les principales techniques, ce
qui aurait permis aux candidats de mieux aborder la 'forme' (style,
versification etc.) du passage proposé. Or cette dimension
a trop souvent été négligée par les
candidats ou réduite à une observation minimale (cf.
un constat du passage des vers rimés aux vers blancs). Précisons
que, dans le cas présent, la connaissance de l' œuvre
implique une familiarité à la fois avec la trame événementielle
et avec la composante 'stylistique', et que celle-ci devait retrouver
sa place dans le commentaire.
Remarques conclusives
Le jury ne peut que rappeler ce qu'il avait déjà
signalé dans le rapport sur la session 2002 : l'épreuve
de commentaire en langue étrangère ne s'improvise
pas : qu'il soit littéraire ou de civilisation, le commentaire
en langue étrangère requiert un entraînement,
tout au long de l'année de préparation du concours,
visant à acquérir:
- en anglais écrit, une réelle compétence
tant linguistique (compétence lexicale et grammaticale
en anglais) que formelle (capacité à formuler et
à mettre en œuvre un plan; rhétorique de la
démonstration argumentative);
- une connaissance détaillée des œuvre au programme,
connaissance qui ne s'acquiert que par des
lectures attentives des textes;
- une véritable maîtrise des outils méthodologiques
littéraires ou de civilisation;
- une capacité à faire des commentaires en temps
limité mettant en œuvre les trois domaines que l'on
vient de citer.
Espagnol : Commentaire dirigé en langue
étrangère
Le B.O. n°11 du 15 mars 2001 définit l’épreuve
d’option «espagnol» du CAPES externe de créole:
il s’agit de la «première épreuve écrite
d’admissibilité proposée aux candidats du concours
externe du CAPES de langues vivantes étrangères […]
espagnol, au titre de la même session, et portant sur le programme
des épreuves écrites dudit CAPES.»
Le texte proposé au commentaire cette année était
un extrait de la scène 5 de l’acte V de la
pièce de théâtre de Lope de Vega, La Dorotea
(1632), et les candidats étaient invités à
répondre à une série de cinq questions qui
les amenaient à préciser progressivement le commentaire
du passage pour en dégager les aspects les plus significatifs:
il est impératif, à cet égard, de respecter
l’ordre des questions.
Soulignons, d’emblée, qu’un candidat ne peut
envisager de satisfaire au minimum d’exigences d’un
tel travail s’il n’a pas lu
attentivement l’ouvrage au programme. Or, nos trois candidats
ont été incapables de situer le passage de façon
précise, en nommant les personnages - Don Fernando n’a
pas toujours été correctement identifié - et
en rendant compte, même au premier degré, de ce qui
précède: nous n’avons trouvé aucune mention,
par exemple, de la scène 3 du même acte qui fournit
des éléments essentiels au déroulement de l’intrigue,
et la méconnaissance de l’œuvre a empêché
que l’on mette en évidence le caractère récurrent
de la scène - ainsi la scène 5 de l’acte I n’a-t-elle
pas été citée.
Les remarques qui précèdent se rapportent à
la première question qui vise à situer le passage,
or les questions suivantes plus ciblées - sur le
sonnet, sa portée et les commentaires des deux personnages
féminins, puis sur la façon dont se confondent la
vie et la littérature dans le passage proposé - ont
été encore plus problématiques pour les candidats
qui semblent ne pas les avoir toujours bien comprises et qui, arrivés
au terme de leur travail, n’ont pas été à
même d’expliquer, comme on le leur demandait en conclusion,
dans quelle mesure cette scène est représentative
de l’œuvre.
Insistons une fois encore sur la nécessité de lire
attentivement les ouvrages au programme afin de réaliser
un travail cohérent : nous avons remarqué, comme l’an
dernier, que les candidats, alors qu’ils n’ont pas même
situé clairement le passage, ont tendance à «plaquer»
sur le texte d’éventuelles et rapides lectures critiques.
Enfin, nous déplorons la médiocrité de la
langue utilisée et nous avons relevé nombre d’impropriétés,
de barbarismes et de solécismes ainsi que des insuffisances
lexicales, tous obstacles qui nuisent à la précision
de l’énonciation et à la clarté de l’argumentation.
Nous invitons les candidats à se référer
au rapport du jury du CAPES d’espagnol qui leur fournira nombre
d’indications précises quant à la façon
de traiter le sujet proposé.
Français : Composition française5
Le présent rapport renvoie en premier lieu au contenu du
rapport du Capes de créole 2002, tant pour l’écrit
que pour l’oral. Nous préciserons uniquement ici les
éléments qui ont semblé significatifs au jury
et particuliers de la session 2003 du concours.
Méthodologie
Nous souhaitons d’abord réitérer que pour
cette épreuve, il est nécessaire de se former
et de s’entraîner. En effet, il est très
important de se préparer à l’écrit du
concours. Faire une composition française, c’est mettre
en œuvre une démarche intellectuelle, se conformer à
une méthodologie rigoureuse et à des codes qui peuvent
et doivent s’apprendre En aucun cas les candidats ne devraient
s’en remettre à l’inspiration ou à la
chance. Il faut donc apprendre à maîtriser avec rigueur
et sérieux les exigences de l’exercice et s’entraîner
le plus possible en rédigeant des dissertations tout au long
de l’année.
Le passage, extrait pour la session 2003 de l’article «Le
texte et la scène pour une nouvelle alliance» in Le
Spectateur en Dialogue était structuré par l’opposition
«texte clos / texte ouvert». Bernard Dort s’interroge
sur la pérennité des textes dramatiques, supposant
que celle-ci tient avant toute chose à la pluralité
des «lectures» que l’on peut mener sur les textes.
Examinant les rapports du texte et de la scène, Bernard
Dort écrit:
«Aussi, les plus grands textes de théâtre,
ceux qui ont suscité, à travers les âges,
le plus d’interprétations scéniques, et les
plus différentes entre elles, sont-ils ceux qui, à
la lecture nous semblent les plus problématiques. Complexes
au point de paraître presque incohérents. Foisonnants
à la limite du désordre. Un texte clos sur lui-même,
qui contient expressément une réponse aux questions
qui y sont formulées, a peu de chances d’être
jamais repris. C’est le sort des pièces à
thèses. En revanche, un texte ouvert, qui ne répond
aux questions que par de nouvelles questions et qui prend délibérément
le parti de son propre inachèvement, a toutes les chances
de durer. C’est qu’il fait appel à la scène,
qu’il la
provoque et a besoin d’elle pour prendre consistance.»
La réflexion devait s’appuyer sur un large éventail
de références littéraires précises et
utilisées à propos (non, les Rêveries du
promeneur solitaire ne sont pas un texte de théâtre…),
d’autant plus que la citation se plaçait délibérément
dans une perspective historique. Cependant, la proposition que contenait
le libellé du sujet «à travers les âges»
a probablement incité les candidats soit à développer
de longues, fort longues considérations sur l’histoire
du théâtre (telle copie ne pose pas clairement de problématique
et ne traite la question posée par le sujet qu’en page
6… - la réflexion est alors réduite, faute de
temps, à sa plus simple expression) soit à dresser
bien des catalogues plus ou moins bien informés. L’histoire
littéraire, qui donne au candidat toute la matière
de sa réflexion et qui nourrit ses analyses, ne doit pas
apparaître dans les copies sous forme de compterendu de cours,
de développement chronologique déroulé de façon
passive et sans lien pertinent avec le sujet.
Explorer les limites de la citation, c’était ici
s’interroger sur les notions de complexité, foisonnement,
désordre… Le jury attendait une réflexion sur
ce que peut être un texte clos ou bien un texte ouvert. Ces
concepts posaient évidemment quelques problèmes. Ils
appelaient une définition fondée sur des considérations
formelles (liées à une forme de l’expression).
Ainsi, telle copie considère sans plus de détails
qu’un texte clos est un texte «dont on connaît
la fin», telle autre, qu’il s’agit d’une
«histoire qui finit mal». Pour une autre, tout texte
de théâtre antérieur au théâtre
de l’absurde est nécessairement clos. Le jury a pu
rencontrer encore une longue réflexion sur l’opposition
entre texte en vers et textes contemporains… Le lien avec
le sujet posé devient très difficile à identifier.
La lecture trop rapide du passage proposé pouvait donc
conduire à des contresens sur les termes mêmes de la
citation. Mais rédiger trop vite, sans prendre le temps de
l’analyse, c’est risquer également que la problématique
retenue soit partielle et ne révèle pas tous les enjeux
proposés par la citation. On trouve, par exemple, des problématiques
qui réduisent le sujet à la première ligne
du texte «Qu’est-ce qu’un grand texte de théâtre?».
Ou bien plus loin encore de la problématique de la citation
: «Le théâtre contemporain est-il plus ouvert
que les textes en vers?». Notons aussi qu’une problématique
satisfaisante est suffisamment «ramassée». Si
elle se disperse, les enjeux sont noyés, le correcteur également…
«Peut-on parler d’une nouvelle alliance du texte et
de la scène? Ou cela a-t-il toujours été ainsi?
Que nous enseigne le théâtre de façon générale?
Quels grands textes ont traversé le temps? Que nous enseigne
l’histoire des peuples, les événements de tous
les jours et quel rapport avec le théâtre?» La
dérive est évidente…
Rappelons au passage qu’on s’attendait ici à
une problématique centrée sur la question du «message»,
des lectures plurielles qui s’organisent autour d’un
texte dramatique au travers des interprétations (proposées
par tel ou tel comédien), mises en scènes (sous l’égide
de tel ou tel metteur en scène, actualisées dans tel
ou tel théâtre contemporain) et exégèses
en tout genre.
Il fallait comprendre en effet le mot «lecture» dans
la pluralité.
S’il est question de lecture «problématique»
au début du sujet, il est supposé par la suite que
la lecture ne se fait pas simplement «sans quitter [son] fauteuil».
Les lectures actives, intérieures ne sont qu’une première
étape.
Le titre de l’article («Le texte et la scène
pour une nouvelle alliance») était à cet égard
fort éclairant. L’enjeu était bien la «
reprise» ou non du texte sur une scène de théâtre,
critère ultime de qualité. C’est en s’interrogeant
sur l’actualisation des textes dramatiques dans leur diversité
que l’on pouvait sans doute dépasser l’opposition
quelque peu fermée « texte clos» / «texte
ouvert» (éventuellement dans une troisième partie
du travail) en donnant au spectateur un rôle actif dans la
construction du sens, dans son interprétation également.
Plus avant encore, la lecture, le travail du metteur en scène,
l’interprétation des comédiens qui offrent mille
perspectives, élargissent toujours plus le «sens»
des textes. La réflexion s’enrichissait considérablement
de ces aspects «secondaires».
À titre d’exemple, la problématique suivante,
rencontrée en introduction «Peut-on considérer
avec B. Dort que l’ambiguï té d’un texte
de théâtre, liée à la multitude des lectures
qui peuvent en être faites, signale son excellence et garantit
sa pérennité?» posait efficacement les enjeux
de la question.
Attention également à la conclusion. C’est
un moment stratégique du parcours de l’argumentation.
Dans l’idéal, elle fait un bilan des acquis, parcourt
rapidement le chemin emprunté et ouvre le sujet vers d’autres
horizons. Il convient donc d’éviter d’apporter
des arguments neufs, voire de contredire ce qui a été
dit auparavant. La conclusion est aussi pour le lecteur l’occasion
de se constituer une dernière impression. Enfin, ouvrir le
sujet, comme le préconisent bien des manuels, au moment de
la conclusion n’est pas se débarrasser du problème
«Autant de questions qui trouveront réponse dans le
futur»…
Histoire / Géographie
Les lauréats au CAPES de créole option histoire-géographie
ont vocation à enseigner ces deux disciplines.
Aux épreuves écrites d’admissibilité,
les candidats qui ont opté pour l’option histoire-géographie
du CAPES de créole choisissent de passer leur épreuve
en histoire ou en géographie. Ils composent sur un sujet
commun aux sections histoire-géographie, basque, breton,
catalan et occitan-langue d’oc du CAPES ; le libellé
du sujet et la durée de l’épreuve sont identiques.
Les candidats sont évalués dans l’épreuve
écrite qu’ils ont choisi selon les mêmes critères
que les autres candidats passant cette épreuve d’histoire
ou cette épreuve de géographie. C’est pourquoi
nous invitons les candidats au CAPES de créole choisissant
l’option histoire-géographie à se reporter aux
rapports annuels du jury du CAPES d’histoire-géographie
pour plus de précision sur les conseils et les attentes des
correcteurs. Ces rapports sont publiés dans la revue Historiens
et géographes, ainsi que des conseils bibliographiques.
Le jury de géographie a corrigé quatre copies, notées
de 3 à 8/20, pour une moyenne de 5/20. Le sujet, "Les
espaces touristiques en France", n'a pas dérouté
les candidats. Le jury a apprécié l'effort d'illustration
cartographique des candidats, mais regrette que la réflexion
sur les termes du sujet n'ait pas été suffisamment
approfondie. Dans la majorité des copies, le sujet traité
était davantage "le tourisme en France" que "les
espaces touristiques en France". Au-delà d'une présentation
générale sur le secteur touristique de l'économie
française, le jury attendait des candidats qu'ils sachent
analyser différents types d'espaces touristiques, à
différentes échelles; leur origine, leur fonctionnement
et leur évolution. Tous les plans étaient recevables,
pour peu qu'ils fussent logiques et géographiques.
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