Concours
 

CREOLE - Rapport 2003
Concours externe et CAFEP correspondant

par Monsieur Didier de Robillard
Professeur des universités
Président du jury

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Sommaire

Modalités de constitution du rapport
Le concours 2003 en quelques chiffres significatifs

Considérations générales

Créole:
Grammaire / linguistique
Epreuve sur dossier

Options:
Anglais
Espagnol
Français
Histoire / Géographie
  

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Epreuves orales d’admission

Créole

Présentation / commentaire

Ainsi que certains candidats l’ont bien compris, il s’agit là, d’abord, d’une épreuve qui n’est pas de l’écrit lu, et qui a ses exigences propres: utilisation consciente des ressources de la voix, expressivité du discours, maîtrise des postures physiques, présence à l’auditoire, modulation du contact avec celui-ci, par exemple par le regard. Force est de reconnaître que cette évidence échappe encore à un trop grand nombre d’entre eux, et plus encore, comme il a déjà été dit l’an dernier, d’entre elles. Si certaines prestations ont manifesté une aisance remarquable, un art convaincant de se détacher des notes, d’autres ont répété point par point les défauts pourtant signalés l’an dernier – au choix, voix inaudibles ou inexpressives, notes lues sans le moindre regard pour le jury, incapacité à improviser quand une page manque… Quelques recommandations de bon sens auraient intérêt à être prises en compte pour l’avenir: numérotation des feuilles (en gros caractères!), mise en évidence matérielle des grandes articulations du discours (introduction, transitions, conclusion) pour que le candidat puisse se repérer facilement dans la structure de son argumentation, et se détacher de ses notes. Surtout, le jury ne saurait trop recommander le travail en équipe dans la préparation de l’oral, en particulier pour que les candidats multiplient les occasions de parler devant un public, qui pourrait ensuite l’aider à mieux connaître ses points forts et points faibles afin de s’améliorer globalement.

Pour autant, une forme impeccable ne suffit pas; encore convient-il que le fond soit à la hauteur. S’il n’apparaît pas nécessaire, pour éviter d’inutiles redondances, de répéter ce qui a déjà été souligné à propos de l’épreuve de dissertation, il n’en est pas moins indispensable de revenir sur certaines observations. Sans doute une insuffisance de connaissances se détecte-t-elle immédiatement à l’écrit – mais que dire de l’épreuve (au sens premier du terme) que subissent candidats et membres du jury, quand les questions, qui suivent la présentation du document, révèlent de véritables gouffres d’ignorance! Des candidats au CAPES de Langues et cultures régionales - créole sont censés savoir que la photographie n’existe pas au XVIIIème siècle, et que l’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert est un des ouvrages majeurs de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Censés savoir, également, qu’il existe des différences importantes entre une habitation-sucrerie du XVIIIème, et une usine à sucre de la fin du XXème, et que ce sont les bêtes, l’eau ou le vent qui font mouvoir les moulins – pas les esclaves (sauf si l’on se réfère explicitement à la gravure de Théodore de Bry, qui ne vaut que pour l’Hispaniola de la fin du XVIème siècle, et dont la meule verticale est de surcroît le décalque du pressoir à olives des terres méditerranéennes, lui aussi mû par des hommes). Que les candidats veuillent bien se convaincre que l’on ne sert pas les culture créoles en les pensant en dehors d’une solide culture générale.

Concernant les documents de civilisation proposés aux candidats, ils appartenaient à trois grands catégories – que l’on identifiera dans le seul but d’aider à la lisibilité du rapport, et non pas pour établir une liste ne varietur de ce qui peut tomber à un oral: les textes «historiques» (un inventaire d’habitation du XVIIIème ou de la fin du XIXème, par exemple), les documents iconographiques (gravures du XVIIème, cartes postales du début du XXème siècle, photographies de cases de la fin du XIXème ou / et du milieu du XXème siècle, etc.), enfin des extraits de romans utilisés comme moyen d’accès à une civilisation (le roman, dans ces conditions, est alors considéré indépendamment de toute analyse proprement littéraire, cf. infra). La première difficulté a été de savoir s’il fallait lire le texte à haute voix, quelle proportion du texte lire ainsi. Le bon sens, là aussi, aurait dû guider les candidats: dans une épreuve relativement courte, quand le texte est en français, autant éviter de perdre un temps précieux de cette façon, et privilégier dans le cours de l’exposé de brèves citations à haute voix servant l’argumentation. Il convenait ensuite de trouver un fil directeur charpentant la prestation, et d’éviter certaines erreurs grossières – en particulier, dans le cas d’un commentaire composé de deux extraits de textes (ou de plusieurs photographies), la juxtaposition d’explications totalement indépendantes l’une de l’autre (il s’agit là de problèmes de méthodologie pure, censés avoir été réglés bien en amont du jour des épreuves orales du CAPES). Enfin, il s’agissait de commenter dans le temps imparti un maximum d’éléments renvoyant à ce qui est communément désigné comme la richesse du sujet. Sur ce point, trop de candidats se sont contentés d’un simple survol, en faisant l’impasse sur des pans entiers du document, glanant sans ordre ni méthode, au hasard, tel mot plutôt que tel autre, pour donner au final des commentaires superficiels, voire squelettiques, et donc sans intérêt. L’iconographie a donné lieu à des prestations très contrastées, certaines bonnes, d’autres notablement moins convaincantes. Il convient d’attirer l’attention des candidats sur le fait qu’un commentaire d’«images » obéit à des règles particulières, dont le jury a pu constater que les plus élémentaires étaient parfois ignorées – alors même que l’enseignement secondaire et l’enseignement primaire placent l’illustration au premier plan des supports pédagogiques… On ajoutera que pour être «iconographique», un document va rarement sans accompagnement d’une légende, qui au même titre que le dessin ou la photographie font partie de ce qui est à
commenter, ce qui là aussi a été absent de la majorité des prestations.

Pour ce qui concerne la littérature il suffira de rappeler ici quelques-unes des remarques qui avaient été formulées dans le précédent rapport avant de les compléter par des observations liées à l’expérience de cette année.

Le premier point, et le plus important, c’est qu’il s’agit d’un texte littéraire qui ne saurait être lu ni comme un témoignage d’un mode de vie disparu, ni comme le support d’une analyse de langue. Il faut obligatoirement mettre en évidence le fait qu’un texte littéraire correspond à une intention esthétique et que de ce fait l’explication se doit d’étudier les moyens employés par l’auteur pour faire entrer le lecteur dans son univers.

L’explication d’un texte littéraire à l’oral est un exercice aux règles établies par la tradition et les fonctions de cet exercice et qui seront adaptées au cas particulier de l’explication en langue créole. Cependant il faut garder à l’esprit que le questionnement sur la portée, les enjeux et la signification en sont les éléments les plus significatifs.

En effet, il s’agira pour le candidat de construire une signification du texte étudié en se fondant sur des éléments concrets et cette signification sera organisée de telle sorte qu’elle mettra en évidence l’approche d’ensemble du passage.

Les compétences requises pour réussir l’explication sont assez nombreuses et relèvent de la maîtrise de connaissances culturelles, littéraires et historiques et de la mise en œuvre de capacités d’analyse afin d’élaborer une interprétation. En outre il faudra se souvenir qu’il s’agit d’un exercice oral qui se déroule devant un auditoire dont il faudra à la fois susciter et maintenir l’attention, mais au-delà le convaincre par la qualité de l’analyse. On néglige trop souvent ce qui relève de l’aisance et de l’assurance avec des éléments aussi importants que le regard, la voix, le ton, le débit.

Nous renvoyons au rapport de 2002 pour trouver des indications plus détaillées que celles de cette année, mais il convient de signaler quelques points supplémentaires.

D’abord, en ce qui concerne la lecture, elle sera laissée à l’appréciation du candidat. On peut cependant recommander la lecture intégrale d’un passage bref et la lecture d’un extrait, signalé, d’un texte long. Cette lecture, sans être théâtralisée, fait partie intégrante de l’explication et de ce fait contribue à construire le sens en annonçant l’interprétation. Elle sera expressive, vivante et rendra compte de la tonalité du texte.

Un autre point sur lequel il est utile de revenir c’est la cohérence et l’organisation de l’explication. Il arrive que les explications soient une juxtaposition de remarques qui, si elles peuvent s’avérer justes et pertinentes individuellement, ne peuvent que donner une idée fragmentaire, imparfaite du texte. Ce travers peut facilement être corrigé par une rigueur dans l’analyse en cherchant les enjeux du texte et en proposant des axes d’interprétation qui seront clairement formulés dès l’introduction. A cet égard, le candidat tiendra compte aussi de la matérialité du texte, à savoir la mise en page, la typographie et intégrera ces remarques dans son commentaire pour autant qu’elles contribuent à construire le sens général et les proscrira si elles ne sont que des observations parmi d’autres, sans lien avec l’ensemble de l’explication.

Le choix fait par le candidat de l’explication linéaire ou du commentaire composé ne saurait être réglé a priori. L’expérience montre que les candidats peuvent manifester leurs qualités en se servant de l’une ou de l’autre méthode, cependant on peut suggérer de privilégier l’explication linéaire qui sera progressive et ordonnée, dans le cas d’un texte bref, alors que le commentaire composé conviendra mieux à l’étude d’un passage plus long et qui de ce fait supposera une étude plus synthétique.

On ne saurait trop insister sur le fait qu’une explication littéraire ne s’improvise pas et que l’année de préparation au concours doit permettre aux candidats de s’exercer régulièrement à étudier des textes littéraires et à en proposer une explication devant un auditoire.

Ces remarques brèves ne sauraient être conclues autrement que par une citation précise du rapport de l’an dernier qui trouve encore sa justification cette année:

«Enfin, le jury souhaite attirer l’attention des candidats sur un point qui lui apparaît essentiel. En aucun cas ces derniers ne doivent se laisser entraîner par leur empathie avec le sujet, par leur connaissance personnelle, voire intime, de tels aspects des civilisations créoles, en négligeant du coup d’expliquer ce qui leur apparaît comme une évidence.»

Encore une fois, l’attitude sera double, à la fois approfondir la culture littéraire des espaces créoles, mais replacer ces textes dans l’ensemble de ce que l’on appelle les «pratiques métaphoriques verbales».

Grammaire / linguistique

Par rapport aux remarques faites par le jury en 2002, et qui avaient une portée assez générale, l’essentiel des observations du jury cette année portera plus sur des questions plus strictement «linguistiques».

Pour ce qui est du concours 2002, on gardera à l’esprit (mieux, on se référera à ce rapport de concours pour le détail), que le jury avait insisté sur la nécessité pour le candidat de lire à haute voix les exemples (ce qui en donne une première interprétation), de commenter la graphie lorsqu’elle souligne ou masque des phénomènes pertinents (par exemple découpages syntaxiques). Les candidats ont été encouragés à classer les phénomènes analogues et à traiter chaque classe de faits linguistiques en une seule fois, ce qui évite de répéter plusieurs fois des analyses identiques, en explicitant les critères sous-jacents aux catégories établies.

La partie de l’épreuve dévolue à la grammaire et à la linguistique offre au candidat l’occasion de faire montre de ses connaissances dans le domaine de la description linguistique, de ses capacités d’analyse de la chaîne parlée et d’un certain sens de l’exposé didactique. Il lui est proposé un court texte en créole accompagné d’une consigne du type «Faites toutes les remarques que vous jugerez opportunes sur les syntagmes nominaux (ou les syntagmes verbaux) présents dans ce passage». Au bout de sa préparation, on attend du candidat un exposé concis et cohérent où il montrera:

  1. Qu’il sait lire à haute voix un court texte en créole en y mettant de l’expression, c’est-à-dire en opérant la traduction prosodique des indices (graphie, ponctuation, éclairage paratextuel sur l’appartenance du texte à un genre oral ou sa provenance d’un écrivain connu) et en ne butant pas sur la première transcription un peu originale.
     
  2. Qu’il dispose, dans son bagage conceptuel, d’une définition opérationnelle de «syntagme nominal» et «syntagme verbal» référant à une école théorique, à un type d’analyse de phrase ou, plus simplement, à un genre d’ouvrages scolaires identifié.
     
  3. Qu’il est capable de relever tous les segments présents dans le passage correspondant à la définition initialement fournie, en soulignant ce qu’ils ont de constant et de différent. Ce principe d’exhaustivité est essentiel, car il met en relief l’aptitude à identifier et caractériser des différences fines, mais il ne doit surtout pas conduire le candidat à répéter à plusieurs reprises une analyse déjà posée.
     
  4. Qu’il peut expliquer à la fois comment tel segment s’intègre dans une unité de rang supérieur (syntagme complexe, phrase ou énoncé), quelle fonction grammaticale il y occupe, mais également de quoi il est composé (quels sont ses propres constituants). Fondé sur la pertinence de l’analyse en constituants immédiats, ce principe doit offrir au candidat l’occasion de segmenter une unité de rang supérieur en unités de rang inférieur en expliquant les relations des items entre eux, selon les méthodes usuelles de la «mise en boîtes» (boxing), de la parenthétisation ou d’un indicateur arborescent. L’utilisation d’un schéma au tableau est donc possible pour rendre visible l’analyse si elle est particulièrement complexe ou ambiguë, mais elle ne remplace en aucun cas une explication verbale claire et argumentée des relations et des cohérences suggérées entre parties du discours.
     
  5. Qu’il ne perd pas de vue que les langues de l’ensemble créole sont en voie de grammatisation, c’est-à-dire qu’elles ne disposent pas encore d’outils normatifs éprouvés et validés par l’usage. En conséquence de quoi l’oral (et donc la variation phonétique, morphologique, syntaxique et stylistique) y joue un rôle prépondérant. La mise à l’écrit de ces langues procède souvent de «coups de force» religieux, politique, poétique ou idéologique, et suscite nécessairement un débat sociolinguistique quant à l’interprétation de certains choix. Cette considération est faite ici pour écarter tout normativisme mécaniste, interdire tout jugement dogmatique anachronique et expéditif, prohiber toute formule catégorique indémontrable, et faire que l’esprit de nuance et la prise en compte de la pluralité puissent constamment nourrir l’analyse et la réflexion. Les futurs professeurs de créole devront lire des textes variés dans des graphies variées, sauront écouter leurs élèves dans leurs différences et apprendront ainsi à respecter la nécessaire diversité des expressions linguistiques.
     
  6. Enfin qu’il sait que l’activité métalinguistique d’un élève, en France, qu’il soit ou non dans un Département d’Outre-Mer, est informée d’un ensemble de notions issues majoritairement de la grammaire française (et éventuellement des autres langues apprises à l’école) et que toute remarque comparative, toute mise en rapport avec un autre idiome présent dans la communauté, toute traduction peuvent être opportunes, pourvu que cela soit fait avec prudence et sens de l’illustration pédagogique. L’utilisation de catégories comme «infinitif», «participe», «subjonctif» est donc délicate, et le jury recommande que l’application de ces termes à une réalité créole soit mesurée et argumentée.

Cela dit, le futur professeur de langues et cultures créoles n’est pas nécessairement un linguiste. Le jury n’attend nullement de lui un débat sur les théories linguistiques relatives à la créolisation ou des développements techniques à n’en plus finir sur des points controversés de la recherche récente ou à la mode. En revanche, il est indispensable que le candidat dispose d’une définition de la phrase et de l’énoncé, du nom et du verbe, et de quelques catégories fondamentales comme «copule», «sujet» «prédicat», «valence», «déterminant», «adjectif», «auxiliaire», «temps», «mode», «aspect», «conditionnel», «complément» «fonction», «catégorie syntaxique». Ces concepts sont présentés dans des usuels de linguistique générale et dans des manuels de grammaire utilisés dans les collèges et les lycées. Le candidat veillera alors à pouvoir distinguer entre un concept général et son application à la langue, voire à l’exemple étudié, en n’oubliant jamais que les grammaires ont pour fonction de donner de grands repères, mais ne peuvent souvent pas rendre compte des particularités de mise en contexte et en situation de chaque unité. Ces particularités sont en effet parfois, pour la fonctionnalité en discours et en situation, aussi importantes que les caractéristiques générales d’une unité6.

Deux grandes conceptions de l’analyse grammaticale sont généralement sous-jacentes dans les approches des candidats. La première, issue de la Grammaire Générative et de sa vulgarisation en français par les travaux de Jean Dubois et d’un certain nombre de grammaires scolaires des années 1980, fait du Syntagme Nominal et du Syntagme Verbal les deux constituants majeurs constitutifs de la phrase, notion résumée dans la formule P = SN + SV. Si le candidat adopte une approche de ce type, il est important qu’il garde à l’idée:

  1. Que ce syntagme nominal majeur peut être complexe (et composé d’autres constituants intégrés qu’il faudra identifier et justifier),
     
  2. Qu’il peut se manifester sous la forme d’un pronom ou d’un groupe pronominal.
     
  3. Qu’il peut même prendre la forme d’un verbe ou d’une phrase.
     
  4. Que l’on peut retrouver d’autres syntagmes nominaux dans le syntagme verbal ou dans des syntagmes adjoints «circonstants».

La deuxième approche grammaticale globalement dominante, plus proche des travaux de Tesnière, du fonctionnalisme ou des grammaires scolaires traditionnelles, fait du verbe le pivot, l’élément central de la phrase. Chaque verbe est doté d’une valence à partir de laquelle on dénombrera divers «actants» (ou «arguments »…) jouant chacun un rôle spécifique qui peut aller de pair avec des propriétés formelles (par exemple: présence ou absence de préposition) et sémantiques (compatibilité des compléments sélectionnés avec des traits comme [Humain], [Animé], etc.).

Dans ce cas, le candidat veillera de toutes manières à identifier le noyau verbal de la phrase, il en repérera le sujet, et il devra expliquer le rôle et la fonction de tous les autres groupes, nominaux ou non, dépendants, à des degrés divers (et cela doit être justifié par des critères lorsque cela est possible) de ce verbe.

Les choix entre écoles théoriques, majeurs pour le chercheur, n’ont pas nécessairement d’effets importants pour les candidats voire les élèves. Il ne faut pas confondre en effet soutenance de mémoire académique et présentation d’un commentaire oral au concours de recrutement de Professeurs. Toutefois, les candidats devraient rester attentifs au fait que l’épreuve laisse la place à l’expression d’une culture linguistique; par conséquent, toute remarque graphique, morphologique, sémantique voire stylistique ou pragmatique est la bienvenue, dès lors qu’elle est présentée dans un souci d’éclairer ou d’illustrer le propos avec pertinence.

Quelques indications qui peuvent aider les candidats à se préparer pour cette partie d’épreuve:

  1. En principe, c’est la phrase canonique ou phrase de base réduite qui fait l’objet de la description grammaticale lorsqu’on procède à l’analyse en constituants. Cette phrase correspond à la phrase simple déclarative affirmative et neutre (les autres types et formes sont des transformations de cette structure de base). C’est cet objet – la phrase, structure complète et autonome, bien formée, c’est à dire obéissant à des règles - qui constitue le modèle de référence qu’étudie la grammaire, en dehors de tout contexte, hors de toute énonciation.
     
    Le candidat doit donc, pendant son analyse préalable à la construction de son exposé, théoriquement ramener au moins certaines des phrases du corpus qui lui est soumis (les P interrogatives ou les P emphatiques par exemple) à des phrases canoniques avant de procéder à l’analyse. Cela lui permettra de mieux percevoir des ambiguïtés éventuelles, des éléments implicites ou en facteur commun, etc. De même, s’il a le sentiment que dans un extrait du corpus à étudier, l’un des constituants n’est pas à sa place canonique, il a tout intérêt à rétablir cet ordre canonique pour informer son analyse.
     
    Il doit partir de l’idée que toute phrase se réfère à l’un des quatre «types» syntaxiques suivants: déclarative, interrogative, impérative, exclamative. Et que ce qui distingue les unes et les autres, ce sont des différences de structure syntaxique, différences qui sont marquées par des indices caractéristiques, les marques formelles, qu’il doit mettre en évidence. En cas d’absence de marques formelles à l’écrit, il doit réfléchir à ce phénomène, au rôle de l’intonation par exemple.
     
    Le candidat, conscient que la phrase n’est pas une succession linéaire mais un ensemble d’éléments ordonnés hiérarchiquement, aura soin de distinguer explicitement, au cours de sa présentation, entre «constituants de phrase» et «constituants de syntagme».
     
  2. Pour identifier les unités, constituer des classes de mots (des classes grammaticales) sur des critères cohérents, faire apparaître les propriétés syntaxiques de ces classes et formuler des règles de fonctionnement, le candidat doit montrer qu’il maîtrise un certain nombre d’outils. On peut citer les opérations fondamentales de l’analyse syntaxique que sont la commutation, le déplacement, l’effacement, l’insertion d’éléments. Ou encore d’autres manipulations qui permettent de faire apparaître des propriétés: extraction, pronominalisation, interrogation …
     
  3. La maîtrise du vocabulaire grammatical, métalinguistique, fait partie du bagage du candidat. Celui-ci doit être à même de définir, à la demande du jury, les termes spécialisés (les notions grammaticales) dont il fait usage, y compris ceux qui paraissent les plus évidents à définir a priori comme mot, phrase ou commutation. Et il va de soi qu’il doit définir les termes faisant référence au métalangage linguistique qui figurent dans la consigne qui lui a été donnée.
     
  4. L’approche contrastive comparant créole et français (ou éventuellement avec l’anglais ou l’espagnol) doit être sollicitée avec discernement. Il ne fait pas de doute que la comparaison avec d’autres langues permet de souligner l’originalité ou non des structures linguistiques créoles par rapport à celles d’autres langues (par exemple celles des options quand le candidat a choisi une option «langue»). Ex. «La non pertinence de la catégorie syntaxique du genre en créole, ne signifie pas que le créole ne peut marquer, lexicalement, les oppositions de sexe», constat. qui permet de comparer ce fonctionnement à celui de l’anglais.
     
    L’approche contrastive est plus sujette à caution lorsqu’elle est convoquée comme base de l’analyse. La traduction en français par un infinitif ou un subjonctif d’une forme verbale créole ne permet pas d’établir que l’on a des raisons de considérer que le créole a un infinitif ou un subjonctif. Cependant, dans la mesure où elle contribue à asseoir le sentiment linguistique, l’approche contrastive peut être mise à contribution sur des structures où les interférences entre les deux langues sont fréquentes. La comparaison peut aider, par exemple, à faire prendre conscience que certaines phrases agrammaticales en français sont en fait des calques du créole et de là, à mieux maîtriser les différences essentielles entre les deux langues, en compréhension comme en production, à l’oral comme à l’écrit. Un autre exemple: l’analyse contrastive peut contribuer à «fixer» une fois pour toutes cette propriété des créoles qui ne semble pas évidente pour tous les candidats, à savoir qu’ils ne présentent qu’extrêmement peu, voire pas de flexion verbale (la troncation). Il est peu cohérent, face à un tableau descriptif de dire que le verbe «se conjugue» en créole, sauf à considérer les indices personnels antéposés et les marqueurs aspecto-temporels comme des formes de flexion (par «préfixation»), ce qu’il faut alors discuter, illustrer, démontrer en détail.
     
  5. Si le candidat souhaite utiliser un tableau pour son exposé, il serait prudent qu’il le signale aux appariteurs dès qu’il décide d’en utiliser un pendant la préparation préalable afin que toutes les dispositions matérielles soient prises pour cela. Si l’exposé utilise le support d’un tableau, le candidat visera une présentation claire et une explication cohérente et non émiettée des phénomènes étudiés. Bref il s’efforcera de contrôler, du début à la fin de son intervention, l’emploi qu’il fait de ce support, en montrant par son usage du tableau, que celui lui est utile autrement que pour se donner une contenance.
     
    L’expérience des deux années passées indique en effet que l’exploitation des possibilités offertes par le tableau a été peu profitable jusqu’ici aux candidats. L’utilisation du tableau ralentit l’exposé (gribouiller trop vite sur le tableau risque d’être contre-productif), incite parfois le candidat, lorsqu’il a une certaine expérience de l’enseignement, à retrouver un ton très professoral peu engageant. Lorsque le candidat n’a pas d’expérience de l’enseignement, cela transparaît souvent aux défauts habituels d’un débutant en la matière: dos tourné au jury, voix peu audible de ce fait, écriture peu lisible, exploitation peu judicieuse de l’espace du tableau. L’expérience montre aussi que des schémas obligent souvent à binariser un exposé (sur un indicateur syntagmatique, un élément est hiérarchiquement dominé ou non par un autre, par exemple) là où l’oral permet plus de souplesse et de finesse.
     
  6. Le candidat doit être conscient que le temps qui lui est imparti est limité. Il doit, en conséquence, gérer avec lucidité le temps consacré à la présentation de son travail et celui qu’il consacrera aux questions complémentaires qui peuvent lui être posées. Un candidat qui oublie de prendre en compte dans sa programmation les éventuelles questions du jury peut donner le sentiment de vouloir fuir les échanges avec celui-ci. Le fait de se «fermer» à toute orientation suggérée par le jury et pouvant mener vers des analyses différentes de celles qui ont été initialement proposées par le candidat peut être également perçu comme le signe d’une trop grande assurance en ses propres compétences, ou comme une compétence réduite à un certain type d’analyse ponctuel (dans un domaine où il convient de se montrer prudent: le savoir grammatical est sans cesse en construction et il existe des questions sans réponse univoque).
     
  7. Le candidat arrivera probablement mieux préparé et plus serein à l’épreuve orale s’il a abordé la préparation à cette épreuve avec la conscience que sa réflexion gagnerait à s’organiser de la façon suivante: (1). observation du corpus (en ayant vérifié au préalable que et la consigne et les phrases du corpus sont bien comprises). Le corpus proposé peut être abondé d’exemples fournis par le candidat; (2). manipulations / tests permettant de faire apparaître les propriétés; (3). rassemblement des résultats sous forme de tableau commenté; (4). rédaction d’une synthèse à partir de ce tableau.
     
  8. La tension et l’émotion peuvent conduire le candidat à commettre une erreur de base dont il prend immédiatement conscience. Il lui est vivement recommandé de déployer les efforts nécessaires pour la corriger tout aussi immédiatement devant le jury et ce, même si l’erreur en question n’est pas directement en relation avec la question de grammaire à traiter.

On trouvera plus bas, et pour conclure, une liste des erreurs les plus fréquentes chez les candidats en 2003:

  • Oubli de la lecture du texte support ou alors lecture négligente, hachée, hâtive, désincarnée du texte.
     
  • Absence de lecture de la consigne ou redéfinition fantaisiste de celle-ci:
    «Dans ce passage, tous les syntagmes verbaux sont des adjectifs prédicatifs»
     
  • Utilisation de notions confuses, anarchiques ou inadaptées:
    «La copule sé est un présentatif»
     
  • Difficulté à catégoriser de manière précise:
    «bagay-la bon pou manjé» (Mart), «manjé est ici un infinitif»
    «…si li di pa moin kèksoz» (Réu.)…: «pa pourrait être une négation, mais ici je ne le sais pas»
     
  • Absence d’explicitation de critères définitoires devant un élément pouvant être catégorisé de manière différente selon les contextes (Nom / Verbe):
    «cachette» (Réu.).
     
  • Absence de réaction devant un verbe rédupliqué:
    «casse cassé» (Réu.)
     
  • Abus de catégorie «savante» non clairement identifiée:
    Ainsi dans «i koumansé palé» (Mart), avant d’invoquer une sérialisation verbale, il faudrait considérer l’hypothèse de l’utilisation d’un auxiliaire ou d’un modal qui introduit un aspect spécifique, sauf à appeler sérialisation toute mise en séquence de deux formes verbales.
     
  • Incapacité à faire apparaître un paradigme de formes pourtant bâties sur le même patron ou obéissant à la même
    structure.

Epreuve sur dossier

Il ne sera pas rappelé ici les termes du rapport de la session 2002. Les remarques qu'il contient restent pertinentes.

Il faut insister cependant sur le fait que le rapport du jury à l'issue des épreuves d'admission ne saurait être considéré comme un catalogue de recettes qu'il suffirait d'appliquer. Aucune prestation ne peut être réussie si elle ne repose pas avant tout sur la réflexion du candidat. Il faut garder constamment à l’esprit que chaque sujet impose une approche spécifique. Les indications pédagogiques figurant dans les rapports de jury et dans les manuels ne doivent pas devenir l’occasion de faire des propositions que l’on serait ensuite incapable d’étayer, comme ce fut le cas pour ce candidat qui, ayant retenu qu’il serait bon de penser aux NTIC, a ainsi proposé une séance d'une heure avec des lycéens pour mettre en ligne une page sur la toile, louable initiative qui aurait été plus convaincante s'il n'était apparu que le candidat ne savait pas très bien comment s'y prendre.

1. La maîtrise de certaines techniques

Les prestations des candidats révèlent une faiblesse assez généralement répandue dans les techniques d'analyse des documents iconographiques. Il est rappelé aux candidats qu'un dossier peut-être composé de documents littéraires (poèmes, prose narrative) et non littéraires (images, articles de presse, cartes, statistiques, tableaux). Ils doivent donc veiller à être capables d'analyser l'ensemble de ces documents et s'y entraîner.

La question de la lecture à haute voix est très généralement sous estimée par les candidats. Il n'est pas certain que ceux-ci soient totalement à l'aise lorsqu'ils lisent des textes en créole. Un candidat, lors de son exposé, a systématiquement traduit en français les exemples qu'il tirait d'un texte en créole. Un seul candidat à cette session s'est montré capable de faire une lecture expressive d'un poème en créole. Il s'agit là d'une compétence qui pourra systématiquement être vérifiée par le jury lors des prochaines sessions.

2. La maîtrise des savoirs

Les questions posées par le jury aux candidats ont révélé un manque assez préoccupant de connaissances précises sur les écrivains et artistes créoles dans les différentes zones: confusions entre les îles de laGuadeloupe, informations fragmentaires sur des artistes essentiels. Un candidat, qui exposait pourtant un dossier qu'il avait choisi d'orienter sur l'importance patrimoniale du créole, s'est révélé incapable, malgré les questions du jury destinées à l'aider, de faire le rapprochement avec la Journée internationale du créole… Certains concepts pourtant d'un intérêt évident pour un enseignement de Langue et culture régionale ne sont pas maîtrisés. Ainsi un candidat a été incapable de répondre à une question sur la différence entre diglossie et bilinguisme alors qu'il utilisait lui-même ces termes dans son exposé.

Il faut rappeler que le champ disciplinaire du CAPES de créole est "Langue et culture régionale". Or les travaux sur la langue sont en général peu choisis. Les candidats semblent marquer une nette préférence pour les domaines culturels où pourtant ils ne brillent pas de manière évidente par leur maîtrise des savoirs et / ou leur capacité à en maîtriser tous les aspects. Or, ne pas maîtriser un sujet est particulièrement grave lorsque celui-ci concerne des thèmes comme la religion, l'identité, l'ethnicité, etc. Les candidats au CAPES, futurs enseignants, doivent garder à l'esprit qu'ils s'adressent à un public particulier dans ce lieu particulier qu'est l'école de la République. De la même manière, il convient de mettre en garde les candidats sur le registre de langue caractérisant tout ou partie des textes du dossier. Ils ne doivent pas hésiter à prendre position sur cette question et dire s'ils auraient ou non retenu un texte ou un extrait qui, dans un dossier précisément proposé pour qu’on aborde les questions de son utilisation avec des élèves, peut conduire à se poser entre autres cette question.

3. La prise en compte de la spécificité de l'épreuve

Le jury a constaté que la qualité de la langue mise en œuvre par les candidats eux-mêmes laisse parfois beaucoup à désirer. Certes les situations créoles sont des situations de contacts de langues mais certains types d’interférences ne sont pas acceptables pour des enseignants dont certains ont de plus, comme seconde valence, le français, si l’on veut conserver une spécificité aux langues en contact. La qualité de la langue à l'oral se juge aussi au simple respect de ses structures. Force est de constater de trop nombreuses anomalies dans les prestations orales des candidats.

Le jury a noté, de surcroît, cette année, l'inflation d'un jargon souvent d'ailleurs assez mal maîtrisé; le jury s'est par exemple beaucoup interrogé sur la nécessité, évoquée par un candidat, de développer la "compétence oraliturelle" des élèves qui lui seraient éventuellement confiés. L'emploi d'une langue imprécise est un symptôme inquiétant: un candidat a, par exemple, utilisé indifféremment lors de son exposé les termes "christianisme / catholicisme". Il s'est d'ailleurs avéré qu'il ignorait la différence entre ces termes. Enfin, signalons que, sans purisme excessif, les candidats doivent s'exprimer dans un langage soutenu: un professeur n'est pas un "prof"!

Un des critères sur lesquels le jury fonde son appréciation réside dans l'aptitude du candidat à l’échange. La qualité de l'échange, en particulier, ne réside pas dans la capacité à fuir ou contourner les questions posées. Le fait de ne pas pouvoir répondre à toutes les questions posées par le jury n'est pas rédhibitoire dans l'absolu et il vaut mieux l'avouer - tout en précisant comment il pourrait y être remédié - plutôt que d'essayer d’improviser des réponses.

Un constat s'impose à l'évidence: il est absolument nécessaire que la réflexion sur la spécificité de l'épreuve orale commence pour les candidats bien avant la fin des épreuves écrites.

Chacune des grandes étapes de l'épreuve est importante:

  • l'analyse des documents (cf. supra) met en œuvre des techniques spécifiques: analyse de textes de différente nature et synthèse de celle-ci. Le candidat ne doit pas perdre de vue le fait que cette analyse doit être faite dans une perspective pédagogique.
  • la formulation du ou des objectifs fixés par le candidat doit être sans équivoque: ceux-ci doivent être clairement annoncés au début de l'exposé;
  • le choix du niveau auquel les activités pédagogiques sont prévues doit toujours être justifié avec le plus de précision possible;
  • la structuration de l'exposé ne peut souffrir d'aucune faiblesse: le candidat doit indiquer clairement les parties de son exposé et surtout respecter le plan qu'il annonce;
  • l'idée de "projet" fait beaucoup trop lentement son chemin. Il semble que les candidats aient toujours beaucoup de mal à penser le travail avec d'autres enseignants. Tout juste, concède-t-on que, une fois que l'enseignant de LCR a terminé sa séquence, celui-ci aille se concerter avec des (futurs) collègues pour assurer des "prolongements pédagogiques" qui apparaissent très nettement plus comme une formalité vide de sens concret dont les candidats s'acquittent dans la mesure où le jury a insisté sur ce point dans son rapport de la session 2002, que comme une pratique professionnelle réelle. Il est à craindre que, dans ces conditions, l'enseignement de la LCR ne joue pas son véritable rôle et puisse même s'isoler sinon s'étioler.
  • enfin, si l’épreuve de CAPES de créole dont il est question ici est bien un CAPES externe, il n'est pas acceptable que certains candidats démontrent une absence abyssale d'information sur le système éducatif:
    méconnaissance de la terminologie officielle et des textes réglementaires (y compris ceux concernant le CAPES de créole…), apparition de notions pédagogiques non identifiables (le jury s’interroge encore sur ce que peut être une "discussion magistrale" ???), irréalisme total dans la gestion du temps de classe ont été trop souvent notés par le jury.

Options

Anglais

L'épreuve

Le jury rappelle (1) que l'épreuve consiste en la présentation critique, en anglais, d’une nouvelle suivie de l’explication, en français, de points grammaticaux à partir d’exemples extraits de la nouvelle, (2) que l'actuel arrêté définissant les épreuves orales d'admission ne prévoit pas d'entretien avec le jury pour l'option anglais et, enfin, (3) qu'il s'agit d'une épreuve qui demande de réelles compétences dans trois domaines en particulier: le commentaire littéraire, l'expression orale en anglais (y compris la terminologie de l'analyse littéraire) et l'explication grammaticale, compétences sans lesquelles le choix de cette option pourrait paraître inopportun.

Les supports de l'épreuve

Les textes proposés lors de la session 2003 étaient des nouvelles modernes d'auteurs anglais, mais des auteurs anglophones d'autres origines pourraient également être retenus. Les nouvelles proposées aux candidats en 2003 étaient les suivantes: Frank TUOHY (GB), At Home with the Colonel, 1962; Graham GREENE (GB), The Invisible Japanese Gentlemen, 1967.

La présentation critique d’une nouvelle

Le jury a observé avec satisfaction que les candidats à la session 2003 semblaient mieux préparés à cette partie de l'épreuve que ceux de la première session du concours. Tous ont cherché à structurer leur propos, et ont présenté et suivi un plan. Cet effort d'organisation ne saurait cependant pallier les défaillances constatées dans certaines présentations: une analyse réductrice qui ne prenait en compte que très partiellement la nouvelle; une tendance à évacuer l'analyse de la voix narrative, ce qui était particulièrement regrettable en ce qui concernait la nouvelle de Greene dans laquelle le narrateur-auteur filtre constamment ce qu'il observe; une interprétation extrêmement hasardeuse (selon laquelle Greene, en décrivant des personnages appartenant à un milieu littéraire, chercherait à illustrer l'influence que peut exercer le livre); et, comme il avait déjà été noté à la session 2002, une tendance parfois observée à forcer l'interprétation de la nouvelle (tel candidat interprète la nouvelle de Greene comme un gothic novel en miniature, alors que rien dans la nouvelle ne relève de ce genre) ou à plaquer une interprétation injustifiée (cf. en parlant à tort d'emboîtements de récits dans cette même nouvelle, là où il y a seulement allusion à une autre œuvre littéraire dont le contenu n'est jamais évoqué)...

Le jury rappelle qu'il attend dans une bonne présentation de la nouvelle que le candidat n'en reste ni à une paraphrase de la nouvelle, ni à l'étude d'une dimension unique de celle-ci. On attend de lui non seulement l'identification des différentes composantes de la nouvelle (référentielle, comme le lieu et temps de l'action, éléments culturels dont dépendent l'intrigue; narratologique (type de narration, organisation temporelle du texte); structurelle (oppositions, récurrences, échos, symétrie); thématique, symbolique, métaphorique..., mais aussi, dans le cas d’une prestation plus riche, qu'il démontre l'interaction entre ces éléments, et qu'il s'appuie sur ces interactions pour explorer la nouvelle et en proposer une interprétation reliant les différents éléments observés (mode de fonctionnement du texte, étude générique...).

L'expression en anglais

Le jury rappelle ce qu'il avait écrit dans le rapport sur la session 2002 à propos de l'importance de la qualité de l'anglais des candidats, considération qui est toujours de mise:

"Il faudrait que les futurs candidats tiennent compte du fait que, pour ce qui est du seul concours, une compétence insuffisante en anglais est doublement gênante: non seulement celle-ci ne leur permettra pas, en aval, de présenter une analyse adéquate du sujet, mais aussi, en amont, elle entrave sérieusement leur capacité à lire la nouvelle, ne fût-ce qu'au niveau de la simple compréhension factuelle de celle-ci, et donc à en nourrir l'analyse critique. S'agissant, en plus, d'un concours de recrutement de professeurs de langue et culture créole pouvant aussi être appelés à enseigner une deuxième valence, l'importance des qualités d'expression en anglais pour l'exercice du métier du futur professeur n'échappera à personne."

Dans l'ensemble, l'expression en anglais des candidats laissait à désirer, avec des défaillances plus particulièrement dans le domaine phonologique. Même lorsque les segments étaient assez correctement articulés, l'accent lexical restait un domaine mal maîtrisé (*in'nocent, *de'corative, *'hypothesis, *cha'racter, *sym'bolism...), et trop souvent le candidat a cédé à la facilité et a accentué les mots sur la dernière syllabe comme en français (*stor'y, *hus'band, *ana'lyse...). Les candidats auront tout intérêt à consulter les ouvrages cités dans la bibliographie qui indiquent les règles d'accentuation de l'anglais, et à travailler cet aspect de leur prononciation, et ce dès le début de leur préparation.

Pour ce qui est des segments, on trouve la typologie classique des erreurs du francophone (cf. l'absence de diphtongues, le non respect de l'opposition entre i long et i bref, la non réalisation de la voyelle tendue semiouverte d'arrière de « door » etc., les réalisations en [s] et [z] des th, l'omission du [h] et / ou sa présence parasitaire devant des mots commençant par une voyelle (hauthor etc.)... Il est vivement conseillé aux candidats de travailler la réalisation des phonèmes en laboratoire de langues mais aussi de s'entraîner à l'expression en anglais avec une correction de leurs erreurs, et ce également dès le début de leur préparation dans les deux cas.

Quant à la grammaire et au lexique, on a constaté de nouveau que les candidats ne maîtrisaient pas toujours les quelques suffixes flexionnels de l'anglais et omettaient plus ou moins régulièrement le —s de la troisième personne du singulier du présent simple, que tel candidat confondait his et her, que tel autre candidat construisait des structures fautives (*to comment the scene,*to reproach him of something) parfois en calquant des expressions sur le français (cf. *associate X to Y...). Sur le plan lexical on a noté des confusions entre classes de mots: nom et adjectif (optimistic / optimist), ou adjectif et verbe (*she doesn't aware of it), ou entre noms appartenant au même domaine (paint / painting). Il ne s'agit nullement de faire un catalogue des erreurs et encore moins un bêtisier, mais d'attirer l'attention des candidats sur l'importance de l'expression pour celui ou celle qui est aujourd'hui candidat(e) au concours et qui sera demain peut-être professeur d'anglais aussi. On ne saurait trop insister sur l'importance de la pratique tout au long de la préparation afin d'assurer une expression correcte sur le plan de la grammaire et du lexique comme sur celui de la phonologie.

Les points de grammaire

Les points de grammaire proposés aux candidats étaient les éléments soulignés suivants:
her and her sulky bitches of girlfriends (l. 117), I must be intruding (l. 170) [Frank TUOHY, At Home with the Colonel], et he should have been a young officer in Nelson's navy (l.24-25), when you reach your forties (l. 79) [Graham GREENE, The Invisible Japanese Gentlemen].

En ce concerne les traitement de ces exemples le jury rappelle qu'il convient de décrire le ou les point(s), d'en dégager la ou les problématique(s) grammaticale(s) pertinente(s), et de procéder à une analyse (qui n'est bien entendu tributaire d'aucune école linguistique particulière) de ces dernières en s'appuyant sur des manipulations de différentes sortes.

Dans l'ensemble le traitement de ces exemples n'était pas satisfaisant et les candidats devraient pouvoir progresser de façon significative dans ce domaine en suivant une formation, en s'appuyant sur les ouvrages signalés dans la bibliographie et en s'entraînant personnellement à l'exercice.

Signalons brièvement les problématiques qu'on pouvait aborder dans les exemples proposés aux candidats:

her and her sulky bitches of girl friends l. 117

  • structure du GN, identification de la tête du GN
  • valeur de of
  • valeur métaphorique de bitches
  • valeur de girl ici

I suppose I must be intruding l. 170

  • valeur de l'auxiliaire modal must: épistémique (assertif / congruence S—P) ou radicale (pragmatique; dynamique ou déontique)?
  • valeur de l'aspect have + -en

When you reach your forties l. 79

  • pourquoi le numéral forty est-il au pluriel ? problème de conversion adjectif → nom; valeur du pluriel ici
  • valeur de l'adjectif possessif your

He should have been a young officer in Nelson's navy l.24-25

  • valeur de should: type de modal, et valeur du prétérit

Conseils pour la préparation de l'épreuve

Le jury rappelle que l'option d'anglais est une épreuve qui demande de réelles compétences au niveau de la présentation critique de la nouvelle, de l'expression en anglais, et de l'analyse grammaticale de l'anglais. Ce sont trois savoir-faire qui s'appuient sur de nécessaires connaissances littéraires, linguistiques et grammaticales.

Le jury souligne la nécessité de suivre des formations adéquates et de s'entraîner aux différents exercices. Pour ce qui est de la présentation de la nouvelle, il est vivement conseillé aux futurs candidats de travailler, en plus de la compétence purement littéraire, l'expression en anglais sans oublier la terminologie critique et les aspects formels de la présentation (plan). En ce qui concerne les points de grammaire, le jury, qui a souvent eu l'impression que les candidats manquaient de pratique, ne saurait que trop insister sur la nécessité pour les candidats de préparer l'épreuve en faisant eux-mêmes l'analyse et la présentation de points typiques. Pour cela ils pourraient utilement se reporter aux remarques sur les faits de langue qui figurent dans les rapports récents sur le CAPES externe d'anglais. Les candidats trouveront dans la bibliographie ci-dessous des références utiles,
lectures qu'ils pourront, rappelons-le, avantageusement compléter par un entraînement pratique aux exercices de l'épreuve.

Bibliographie

Présentation critique des nouvelles

BAZIN, Claire et DEÏDDA, Ivan, 1995: La Nouvelle au Capes, Ellipses.
CORDESSE, Gérard et al., 1988: Langages littéraires, Presses Universitaires du Mirail.
GRELLET, Françoise, 1995: A handbook of literary terms, Hachette.
LOUVEL, Liliane et VERLEY, Claudine, 1993: Introduction à l'étude de la nouvelle, Presses Universitaires du Mirail.
MCHALE, Brian, 1985: Postmodern Fiction, Routledge.
WAUGH, Patricia, 1984: Metafiction, Routledge.

Expression en anglais

DUCHET, Jean-Louis, 1994: Code de l'anglais oral, Ophrys.
DUCHET, Jean-Louis, et FRYD Marc, 1998: Manuel de l'anglais oral pour les concours, Didier Érudition / CNED.
LAPAIRE, Jean-Rémi, et ROTGE, Wilfrid, 1993: Séminaire pratique de linguistique anglaise, Presses Universitaires du Mirail, (en particulier: p. 406-420 'Guide de l'expression authentique en anglais').
WATBLED, Jean-Philippe, 1996: La prononciation de l'anglais, Nathan, collection 128.
WELLS, John, 1990: English Pronunciation Dictionary, Longman.

Points de grammaire

BOUSCAREN, J., et CHUQUET, J., 1987: Grammaire et textes anglais. Guide pour l'analyse linguistique, Ophrys.
COTTE P., 1993: L'explication grammaticale en anglais, Dunod.
DELMAS, C., et al., 1993: Faits de langue en anglais, Dunod.
GARNIER, Georges, et GUIMIER, Claude, 1997: L'épreuve de linguistique au CAPES et à l'Agrégation, Nathan Université.
KHALIFA, Jean-Charles, 1999: La syntaxe anglaise aux concours CAPES/Agrégation. Théorie et pratique de l'énoncé complexe, Colin.
LAPAIRE, Jean-Rémi, et ROTGE, Wilfrid, 1992: Réussir le commentaire grammatical de textes, Ellipses,.
LARREYA, P. et RIVIERE, C., 1999: Grammaire explicative de l'anglais, Longman.
PAILLARD, M., 2000: Lexicologie contrastive anglais-français. Formation des mots et analyse du sens, Ophrys.
RIVIERE, C., 1995: Pour une syntaxe simple à l'usage des anglicistes, Ophrys.
SOUESME, J.-Cl., 1992: Grammaire anglaise en contexte, Ophrys.
TOURNIER, J., 1993: Précis de lexicologie, 3ème édition, Nathan Université.

Espagnol

Aucun candidat ne s’est présenté à l’épreuve orale.

Français

L’explication de texte

L’épreuve proposée aux candidats du CAPES de créole ayant choisi l’option français est l’explication d’un texte, postérieur à 1500, appartenant à la littérature française ou francophone. Ici encore, nous renvoyons au rapport du concours 2002 qui pose les bases de la méthodologie.

Quelques informations sur la procédure

Le candidat se voit proposer deux textes par le jury, il en choisit un pour l’explication. Les textes relèvent d’un genre différent, ils appartiennent également à des siècles distincts. À titre d’exemple, furent proposés cette année des textes de Ronsard, Mme de Lafayette, La Fontaine, Molière, Montesquieu, l’Abbé Prévost, Bernardin de Saint Pierre, Baudelaire, Hugo, Mérimée, Rimbaud, Céline, Ponge, Senghor, Renard… Cette liste, bien entendu, ne préjuge en rien des choix des années futures…
Les textes ont une longueur approximative de 2000 à 3000 signes, naturellement, des spécificités typographiques ou de genre peuvent engendrer des différences apparentes.

Le candidat dispose ensuite de deux heures de préparation avant d’exposer son travail devant le jury.

L’épreuve se déroule en deux temps:

  • le candidat dispose d’abord de 25 minutes pour développer son explication.
  • la deuxième partie de l’épreuve prend la forme d’un entretien au cours duquel le jury revient sur les points de l’exposé qui méritent d’être approfondis, corrigés ou mis en lumière.

L’explication de texte demande un travail de préparation rigoureux qui consiste, comme pour la dissertation, en un entraînement régulier. Ecouter les enseignants ou la prestation des autres candidats est riche d’enseignement, mais insuffisant. Les multiples contraintes de l’exercice (maîtrise du temps, des notes, du contenu, expression orale…) ne peuvent être vraiment appréhendées que par une pratique régulière et personnelle.

Par ailleurs, le savoir-faire se nourrit d’un savoir, la préparation CAPES suppose en effet une fréquentation assidue des textes de la littérature française. En effet, le travail d’explication de texte est grandement facilité quand le candidat a lu, ou connaît les grandes lignes de l’œuvre d’où le texte est extrait. Ainsi, la dimension tragique dans le passage de «la rencontre» entre le Chevalier Des Grieux et Manon (Abbé Prévost (1697- 1763), Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut -1731-) est plus identifiable lorsque l’issue du récit est connue, il est impossible alors d’ignorer le passage: «qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens» et le candidat peut alors mettre en valeur sa dimension programmatique.

Lors de son année de préparation le candidat doit donc sélectionner ses lectures en fonction de ses lacunes, sachant qu’il sera interrogé sur les textes francophones des programmes de collège et lycée.

Au delà de cet aspect, les prestations les plus médiocres ne posaient pas de problématique identifiable. Rappelons qu’il s’agit d’énoncer clairement dès l’introduction les pistes ou axes d’étude que l’explication se chargera d’élucider ou d’expliquer. Le projet de lecture, construit sous la forme d’une problématique qui fédèreles questions que le lecteur se pose, permet d’éviter l’émiettement de l’analyse, l’inconsistance de l’explication.

Nous pouvons suggérer quelques exemples de problématisations, à propos de:

  • Gargantua, l’éducation de Gargantua (Ch. 23)
    En quoi le texte est-il redevable d’un idéal Humaniste, mais également en quoi est-il emblématique de la « manière » de Rabelais ?
  • Lettre Persane n°29
    Comment Montesquieu utilise-t-il une forme narrative pour délivrer un message assez subversif à l’égard des réalités religieuses de son temps (inquisition, rôle du clergé …) ?
  • Caractères (De la ville, 14)
    Comment la mise en scène d’un «type littéraire» est-elle l’occasion pour La Bruyère d’une impitoyable critique des moeurs de son temps ?

Il ne s’agit que d’exemples, mais qui sont de nature à fournir au discours du candidat une ossature rigoureuse et véritablement éclairante. Par ailleurs, le fil conducteur du travail ne doit pas disparaître au bout de quelques minutes. Trop souvent, le jury a déploré que la rigueur du travail d’explication amorcé dans les premières lignes du texte s’effiloche peu à peu pour se perdre assez vite dans des remarques imprécises et sans ordre. Il est fondamental de mener le travail d’analyse dans un cadre rigoureux qui mette en valeur la pensée et les hypothèses formulées.

De même, les hypothèses de lecture doivent être argumentées, solidement ancrées dans une analyse des effets du discours. Ainsi, le jury a pu entendre à propos de la réaction de Don Juan à la «tirade d’Elvir» que celui-ci ne parlait pas car il ne l’aimait pas. Sans autre explication… Il aurait mieux valu partir du texte même et de la distribution des volumes dans le découpage proposé: le personnage de Molière est pratiquement muet dans ce passage et lorsqu’il a la parole, il la transfère immédiatement à Sganarelle. Si l’on admet que Don Juan est un être de langage qui parle essentiellement pour séduire, ses tirades réduites à leur plus simple expression permettent de comprendre qu’à l’heure où elle lui parle avec tant de force, il n’aime plus Elvire.

Au final, c’est au texte et encore au texte qu’il faut se référer, loin de toute approximation ou hypothèse hasardeuse. Et une fois encore rien ne remplace un entraînement régulier. Là est la véritable clé de la réussite.

Histoire / Géographie

Un seul candidat s’étant présenté cela rend malaisée la rédaction d’un rapport.
 

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6 Pour montrer qu’un investissement dans la maîtrise des connaissances du type de celles évoquées ici est utile de manière générale, et pas seulement pendant la partie «grammaire / linguistique» de l’épreuve orale de «Présentation / commentaire», on rappellera que ce sont souvent ces mêmes particularités de fonctionnement qui, dans l’épreuve de traduction, posent problème en langue de départ, et / ou permettent en langue d’arrivée de résoudre des difficultés lors de l’épreuve écrite de traduction, que ce sont encore ces mêmes particularités qui favorisent certains fonctionnements de la langue littéraire.
 
 
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